Dis…

C’est moi, ou bien je m’emporte facilement… ?
La bonne nouvelle, c’est quand même qu’une fois que j’ai vidé mon sac, ma tête est complètement libre pour faire l’amour. Elle n’attend d’ailleurs plus que ça.
La mauvaise nouvelle, c’est que ça me donne le sentiment d’être beaucoup plus bestiale qu’humaine.
Mais… Je ne suis pas sûre que ce soit une mauvaise nouvelle pour tout le monde.

Between light, and nowhere

Y’a plein de trucs dans la boîte à idées. Et rien qui me donne le courage de croire que ça vaille le coup d’être écrit.

La scène de la femme et du vieil homme sur le quai de la gare, avec la valise. Les silences et l’aurevoir pluvieux qu’on sent venir, qu’on regarde, et le moment où je me suis fait prendre sur le vif, par les anges qui gardaient les lieux. Ils m’ont grondé en détournant les yeux, et j’ai souri de mon impudence.

La scène de la femme qui veut plus croire en rien, mais qui sait pas à qui le confier. Alors elle se retrouve devant le portrait de son vieux père, tellement vieux qu’il en est mort, avec son chiffon à poussières, en train de prier s’il te plaît, fais que…

Et puis une chanson. Darling… stand by me.
ça vaut pas le coup d’être écrit, non plus. Juste chanté.
Et puis ça vaut aussi un bouquet de roses.
Et des années.

Contagieuse, peut-être. Contaminée, sûrement.

Pessimisme. Larmes. Désarroi. Dépit. Colère. Rage. Soumission.
Tous plus contagieux les uns que les autres.

J’en ai marre des gens morts. Du gris de leur aura. De leurs mains jointes implorantes. De leurs mains ointes et sanglantes. Des lames acérées dépassant du manteau. De leurs cernes, plus profondes que leur cage thoracique.

Y’ a des jours comme ça où tout ce que je veux, tout ce que je désire, c’est de disparaître des vivants pour rejoindre le Vivant. C’est d’aller me rouler dans cette herbe épaisse et profonde, ce matelas de terre, cette couverture de nuages et d’eau. Sur ce promontoire. Là-haut. Avec vue sur la mer.
Et pfft… m’évaporer.

Et que le monde entier peut bien crever.
Puisque rien, au fond, n’a vraiment d’importance.

Par où suis-je passée ?

Je ne suis plus la même, je crois.
J’ai écrit un truc, que je ne pensais pas pouvoir écrire. Pas même penser. Ou alors, pas avant d’avoir soixante ans.
Je sais même pas pourquoi j’ai écrit cette phrase, c’est elle qui s’est écrite sous mes doigts, j’y suis pour rien, c’est pas possible. C’est pas moi.
« Il est trop tard pour être pressée. »
Pas être pressée, ok. C’est cool, c’est bien.
Mais trop tard. Pourquoi ? Bordel.
ça sent le renconcement.
ça sent l’abandon. Le courant d’air, et la porte qui claque.
Comme si j’avais eu mes rêves, mes chances de les réaliser, et que j’avais tout loupé. Et plus aucun moyen de les faire revivre.
Pire. Même plus l’envie.
Chuis même pas sûre de vouloir encore des enfants. Tellement ils me font peur. Tellement je serai pas capable d’être leur mère. La nuit, il m’arrive même plus de rêver que j’accouche d’une belle portée de chatons.
Une mauvaise satisfaction, un contentement vide. Je suis arrivée jusque là, c’est déjà bien. Voilà ce que ça veut dire. Heureuse de voir que depuis toute petite, j’avais raison.
« Mais c’est beaucoup trop compliqué de faire des beaux sons en mettant ses doigts sur les cordes de la guitare, j’y arriverai pas. »
« Mais c’est beaucoup trop compliqué les maths en section scientifique, ça demande beaucoup trop de boulot, j’y arriverai pas. »
« Mais c’est beaucoup trop compliqué de passer là où les autres sont déjà passés, quand ils sont loin devant, déjà arrivés. »
Ouais, j’avais raison, c’est beaucoup trop compliqué pour moi. J’y arriverai pas.

Y’ a un truc qu’est mort, quelque part.
Bordel.
Mon dieu. Faites que ce soit pas déjà moi.

inidentifiable

De ces choses que l’on arrache.
Lentement, sans s’en rendre vraiment compte.
Faut pas qu’on réalise pendant qu’on se fait mal.
Pas qu’on réagisse pendant qu’on se blesse.
On sentira rien et tout ira bien.

Laisser faire, tranquillement.
Tout passe. Finalement.
Tout le temps.

Que l’on déchire, dans la violence des assiettes qui s’éclatent,
Que l’on choisisse de simplement regarder les aiguilles tourner,
C’est toujours le même fossé que l’on espère combler.
La même fracture que l’on aimerait inverser.
Le même regard qui ne cesse de se mouiller.
La solitude, inidentifiée, des trous pas rebouchés.

Ceux qui savent pas avoir mal.
Parce qu’être un trou, c’est toute une vie, tout un métier.
C’est un néant qui compose.
Une absence qui décore.
Une inexistence, malgré soi.
Ceux qui savent vivre, sans être entier.
Ceux qui ont trouvé la petite motte de terre et la jolie croix, qui fait très chouette dans la salle à manger.

Tellement inidentifiée, que je sais même pas de quoi je voulais parler.

Jeannette

Point de départ de la boucle.
Bonjour la vie, ici l’enfant.
Je suis heureux de faire ta connaissance, j’espère qu’on sera bon copains tous les deux.
J’espère que tu ne me trahiras pas, hein. Qu’on sera amis pour de vrai.
D’ailleurs, on pourrait être amis pour la vie.
Ha ouais, ce serait bien ça, d’être ami pour la vie avec toi, la vie.
Ce serait drôle.
J’espère que tu me feras pas de coups bas hein.
Je veux pas finir comme papa. Même s’il le sait encore pas.
Je veux pas finir comme maman. Même si elle s’en fout. Elle dort.
Je voudrais bien devenir cosmonaute.
Et puis avoir un beau vélo bleu pour mes 7 ans.
Et puis gagner des sous, plus tard.
Et puis que Jeannette, elle continue de s’énerver comme ça, et de courir comme un petit furet vexé, quand je lui tire les couettes.
Toute la vie. Je veux qu’elle court et qu’elle galope toute la vie.
Et qu’elle m’envoie des petites boulettes de papier, aussi.
Je veux que le soleil, il brille comme ça, tout le temps.
J’ai pas à me justifier, mais moi ça me paraît évident de vouloir ça.
C’est juste que ça me réchauffe le coeur d’avance, pour quand j’aurai envie de crever.
Et puis aussi, parce que c’est super beau, les cheveux de Jeannette qui volent au soleil, comme ça, comme une rivière avec des poissons dedans, des beaux poissons, des poissons d’argent.
Jeannette, elle fait un concours toutes les nuits, dans mes rêves, avec les étoiles, pour savoir laquelle c’est qui brille le plus.
Jeannette, elle gagne tout le temps.
Alors je lui tire les couettes, pour lui dire qu’elle compte plus que les étoiles, pour moi.
Et elle s’en va, vexée, comme un petit furet, coincé dans un piège.
Jeannette, elle saura jamais comment je l’aime.
Et moi, je saurai jamais lui expliquer, parce que je sais pas lui donner de mots. Juste des boulettes de papier. Et des coups de pieds, dans ses côtes. Là où je l’abîme pas trop.
Je sais rien que lui tirer les couettes, regarder ses cheveux briller, et avoir envie de la cogner tellement c’est insupportable de la savoir vivante et être heureuse loin de moi.
Un jour, j’aurai envie de crever tellement elle me manque.
Un jour, j’aurai envie de la tuer pour qu’elle vienne éclairer avec ses cheveux les nimbes de l’enfer où j’irai sûrement pourrir.

La vie, je crois qu’on va pas pouvoir être copains finalement.
C’est dommage, je t’aimais déjà bien.
C’est pas grave.
On efface tout, on recommence.

Point de départ de la boucle.
Bonjour la vie, ici l’enfant.

Déjà loin

Et si je souffle le mot, ressemblera t’il à du verre ?
Un vase ? Un pied de lampe ? Une assiette ?
Se brisera t’il au moindre tremblement,
S’effondrera t’il sous ses particules instables…

Si fragile. Rien que du sable.
Si ce n’est pas le sol qui le brise, c’est le vent qui l’éparpille.
Avant même d’avoir pris l’eau.

Contenant souvent vide, parfois lumineux, bien utile.
Si ce n’est pas le vent qui t’éparpille, c’est le silence qui t’enterre.

Et pfft… tout disparaît.

Derrière une pile de livres, peut-être ?

Un jour, il faudra que j’aille fouiller tous les tiroirs.
TOUS.
Même si c’est déjà fait.
Des dizaines de fois.
Quand je recherchais des trésors. Des cadeaux de noël trop bien cachés jamais offerts, parce que maman n’arrivait pas à se souvenir où elle les avait rangés.
He ben, même mon jeu électronique avec les petits pompiers qui devaient rattraper les pauvres bonzomes qui sautaient par la fenêtre de l’immeuble en feu, même lui, je l’ai retrouvé. Quatre ans après, peut-être. Mais quand même. Je l’ai trouvé.
Preuve que j’ai vraiment fouillé partout.
Dans tous les tiroirs.
Dans toutes les armoires.
Derrière tous les cartons.
A la recherche de mon arbre généalogique. D’une somme considérable qu’on aurait oublié quelque part pour faire mon bonheur, par le plus grand des hasards, un jour, ou bien l’autre. On sait jamais hein, c’est si vite arrivé, les oublis, dans la tête de maman.
Y’a que ceux qui croient qui savent aimer, y paraît. Enfin, c’est comme ça que j’ai envie de le dire ce soir.

Alors bordel, j’y crois très fort, moi.
J’espère bien le trouver.
Mon mode d’emploi.
Le truc qui me rassurera, un peu.
Il doit bien être planqué quelque part, quand même.
Ils ont pas pu laisser un être humain comme ça, partir dans la nature, sans lui donner des pistes, des idées, des conseils, des je t’aime, des on crois en toi ma chérie, vas-y tu y arriveras.
Ils ont pas le droit de me laisser comme ça, hein.
Ils ont pas le droit.

En attendant de le trouver, le mode d’emploi, on va dire que c’est la faute aux hormones.
Ces connes.
Il en faut peu pour me rassurer, tu sais.
Il en faut peu.
Mais par contre… il en faut vraiment tout le temps.

Pas mieux

Et va savoir
Va comprendre
Pourquoi je déteste comme ça.
Pourquoi j’ai les boyaux qui se resserrent.
Pourquoi je hais.
Et pourquoi il me fait réfléchir.
Tout ça pour une histoire de points, bien placés, ou pas.
Mes fins de phrases, le bout de mes mots, ce que j’ai appris, chez lui, de lui, en lui, par lui, sans presque jamais le toucher. Mais surtout du bout des doigts.
Et ce que je suis, maintenant.
Le lien entre les deux. Les quelques mois.
Un an. Et des poussières d’étoiles. Et une couche de goudron dans les poumons.

J’ai même pas grandi.
Juste envie de demander pardon, pour le mal que je fais.
Comme quand j’étais petite, la tête au fond de l’oreiller, les pieds recroquevillés, les mains jointes. Et serrées.
Tout ça dans le noir, pour pas qu’on puisse nous voir. Pour qu’il puisse m’entendre.
Pardon.
Tu m’entends ?
PARDON !
Réponds moi…
Pardon… Je te demande pardon, à toi, à tous, à elle, à lui…
Et aujourd’hui, comme hier, je déteste toujours autant les nuits noires.
Et les volets fermés.

Je me rends compte que je le fais claquer, mon point, quand je le pose, là, à la fin des mots.
Et puis le retour à la ligne, surtout.
Est-ce le point qui ponctue ? Vraiment ?
J’ai plutôt l’impression que c’est son bruit.

J’ai besoin de demander pardon.
Parce que je n’ai pas grandi.
Parce que je retourne en arrière.
Parce que je sais que quelque chose sonne faux dans mes choix.
Que l’accord n’est pas là.

De nous deux, je sais maintenant que c’est moi, qui finirai seule, avec mes chats.
Parce que c’est toujours trop tôt, toujours trop tard.
Je ne suis jamais à l’heure.
Même pas quand j’ai rendez-vous avec ma vie.

Oui mais moi, j’en sais rien.

Il s’agirait d’un minuscule et infini point d’or
Au passé fulgurant
Au lointain vertigineux
Du haut de nos lumières
De notre bêtise immortelle
Et que nous remplirions
Jour après jour
Pensant en toucher les bouts,
Souvent du doigt,
Nous contentant en fait de colmater notre ignorance.
Et si, au lieu de poser nos réponses,
nous essayions de contempler les questions que l’infini nous offre ?