Vous êtes ici. Ou peut-être là.

Travailleur pauvre.
J’ai que ça en tête depuis ce matin.
La radio sème des maladies et des traumatismes en libre antenne, vous le savez peut-être pas.
Revoilà la boule de rancoeur qui grossit à vue d’oeil.
Revoilà l’envie de ne plus avoir envie de sourire et de rester là.
Voici le mois de juillet et les billets volent au vent.
Pff, fait le vent.
Oh, quel vent pesant et désagréable, celui-là.
Vous savez que ça finit par faire mal tout ça ?
Vous savez que ça finit par creuser, par laisser des traces…
S’arrêter de fumer parce qu’on n’a plus de quoi payer sa consommation sans être dans le rouge dès la moitié du mois…
Ne pas vouloir entendre parler de soldes parce que de toute façon, on peut rien acheter en dehors du droit de payer ses factures et son loyer.
Les mots se roulent et forment la petite pelotte de marre.
Toucher le fond de la piscine, rebondir. Qu’y disaient.
Le prix de la bêtise. Le prix de la nécessité. Le prix de la dépendance.
Chacun sa balance, chacun son poids.
Passé. Présent. Futur ? S’il est indépendant, seulement…
Ce qu’on est prêtes à lacher, parfois, pour le bonheur d’être à deux.
Ce qu’on peut être connes.
Parce que y’a qu’une fille pour se mettre dans la merde comme ça, pour cette raison-là.
Y’a qu’une fille pour accepter un boulot comme celui-là.
Y’a qu’une conne pour se prétendre heureuse de le faire, en toute bonne foi.
Et la preuve (de la bonne Foi). Celle qui m’a précédée est partie dans les Ordres. (No comment)
Y’a qu’une aveugle pour pas voir que ses parents se sont fait chier pour lui payer des études auxquelles elle ne sait même pas faire honneur.

Hé merde. J’ai bavé sur mon t-shirt.

T’attends quoi, ma fille… T’attends quoi pour te trouver un bon petit mari, qui ait les mêmes valeurs que celles de ton père, de préférence. Un courageux, qui aime la terre, un vaillant, un grand aux bras forts qui fera tourner ton foyer… T’attends quoi, pour leur dire que ta vie ne ressemblera jamais à leur rêve pour toi… T’attends quoi pour leur dire que t’y crois plus, que t’as essayé, que t’as tout foiré, que t’étais pas plus heureuse alors que maintenant. J’attends quoi pour leur dire que je ne suis plus celle-là…

T’attends quoi, ma fille…T’attends quoi pour oser tracer ton propre chemin, faire des marques dans ta vie, y laisser l’empreinte de tes pas, de tes doigts, plutôt que celles de tes skis, tu sais, ces patins de belles valeurs et de grands principes, cette humilité héréditaire, de mère en fille, qui fait que l’on se laisse glisser et que surtout, surtout, on file droit ! Pas de virage, pas de planté de bâton. Remercier la vie de ce qu’elle veut bien nous donner et être heureux. Se contenter.

T’attends quoi pour bifurquer ? Entre la peur du vide, la peur de l’inconnu, la peur de l’immensité désertique d’une ville qui se refuse à te montrer son âme en te crachant au visage ses éructations, ses pets d’échappements, ses vomis de métros … Et la trouille bleue de perdre la petite autonomie que t’as aujourd’hui… T’en mène pas large, hein…

Dans quelle merde tu t’es foutue, dis-moi, à force de croire en toi, de croire en tes pérégrinations, au hasard qui guide les pas, et tout ce boniment-là…
En quoi peux tu croire, quand tu n’as plus confiance en personne… A quoi t’accrocher, lorsque tu te sens toi-même t’éffriter sous les attaques acides de ton propre jugement…