Faudrait jamais se marier j’vous dis.

Je suis sûre qu’on est deux dans ma tête.
Pas possible autrement.
Parce que moi, je vais bien. Je vais très bien. J’ai envie de changer de vie, tout ça, j’ai plein de projets à mener à bien avant 2008. Une recherche d’emploi en bonne et due forme. Dans mon domaine d’activité, ça doit prendre six mois. Parfait.
Moi, je me demande ce que je vais lui raconter au psy hein. On peut causer du temps qui fait, d’y a plus d’saisons, tout ça… Parce que moi je vais très bien.
Le souci, c’est que l’autre, elle va pas bien. Elle s’effondre quand on lui souffle dessus, elle flotte, elle coule, elle se noie, elle crie à l’intérieur et y’a qu’en tendant un peu l’oreille que j’arrive à l’entendre suffoquer… Quand on veut la prendre dans ses bras, elle se dilue ou s’écroule. Suivant les jours. Parfois elle est faite d’eau, parfois de petits cailloux ramassés en un petit tas. Elle bouge pas. Elle remue. C’est tout. Elle avance pas. Elle est morte de trouille. Pas moyen de savoir pourquoi. Elle m’emmerde avec sa trouille. Des années que j’essaye de coller des étiquettes dessus, mais y’en a pas une qui la rassure.
J’essaye de vivre normalement, mais bon, je dois dire que c’est super handicapant d’avoir un truc comme ça qui te plombe le sourire en bas.
Tiens, l’autre jour, elle a vu un courant d’air passer, et pof, elle était raide dingue amoureuse. Mais bon, forcément, le courant d’air, il a fait son boulot hein. Il est passé, et il est parti. Normal quoi. Pas de quoi se formaliser. He ben figurez-vous qu’elle, si ! Tain. ça fait des semaines qu’elle m’emmerde avec ça. Et puis tiens. La dernière. Elle nous fait des crises d’insomnie. Tout ça parce qu’elle arrive pas à accepter. Accepter quoi ? Le bonheur des autres. Le fait de ne pas être le centre du monde sans doute. Dingue non ? J’arrive pas à comprendre. Des restes d’enfance qu’ont été avalés tout rond sans avoir été digérés. Un truc comme ça…

Mais elle pourrait pas s’occuper de ses miches un peu plutôt que de nous faire chier à se préoccuper du cul des autres non ? Ben non. Madame fait la frustrée dégoutée blasée. Je lui parle de sexe, elle regarde son vibro avec l’oeil vitreux. Je lui parle de bouffe, elle me menace avec sa brosse à dents. L’air féroce. « Tention ! Qu’elle me dit. Si tu touches aux joues, je te fais tout dégueuler ! ». Tain. Tu parles d’une marrante ouais. Chuis même prête à lui trouver un mec quoi ! Ben non… Elle les trouve tous plus cons les uns que les autres. Alors forcément, elle me casse mes coups. Tiens. Des fois que je la laisse tomber pour un mec. Nan mais j’te jure.

La fontaine de la ville aux 100 000 anges

Bref. Parlons des anges et de ceux qui les portent et les font voler, monsieur.

pages jaunes

– Bonjour, j’aimerais prendre un rendez-vous pour euh… une consultation.
– Bonjour madame (*salaud*), c’est pour une première consultation ?
– oui
– Ha. Et qui vous a conseillé à moi ?
– Les pages jaunes.
– Ha. Ok. Je suis le dernier sur la liste alors…

A vrai dire, non mon brave monsieur, vous êtes le premier que j’appelle, votre nom me plaît bien, ainsi que votre adresse. Vous êtes remboursé par la sécu, vous allez me bourrer de médocs euphorisants, et de plus, vous me filez un rendez-vous dans moins d’une semaine. J’aurais été conne de vous avouer tout ça.
Non non. Je vais plutôt vous parler de mon obsession lacrymale.
Y’en a qui ont les couilles remplies de foutre et qui ne pensent qu’à les vider. Moi, c’est pareil. Avec mes yeux.
J’ai besoin de chialer, d’hurler, de me rouler par terre, de geindre et de me mettre à la porte de mon corps.
Sac à mots, poubelle à pensées que je suis.
J’ingurgite votre monde et ne sait pas donner le mien.
Il n’en sort que de la bile.

Reflexion faite…
J’aime bien cette expression. Elle est marrante.
Tu parles qu’elle est faite la reflexion. Toute la nuit qu’elle a pris son temps et qu’elle s’est pomponnée, bichonnée, curé les oreilles.
Je suis incapable de m’en sortir toute seule, cette fois.
Parce que les rochers s’effondrent. Parce qu’ils ne seront pas toujours là pour moi.
Parce que j’ai envie de et besoin de me sortir de là et que je regarde en -bas… je sais que je suis capable de tout lâcher. Il suffit d’un instant, d’un seul instant de ce désespoir aride et sans barrière.

J’ai tout cassé, tout détruit. J’ai fui. Lâché. Abandonné.
Me croyant toujours assez forte pour m’en sortir sans l’aide de personne.
Et aveugle au point de ne pas voir que jamais je n’ai été vraiment seule jusque là.

C’est donc normal de finir par comprendre qu’on n’est qu’une imbécile egoiste.
Juste que ce n’est pas une consolation.

Au dessus de la flaque. Pour combien de temps ?

Le paysage défile à une vitesse incroyable sous mes pieds.
C’est mouillé. Je me prends des gouttes dans la tronche.
Et je tourne sur moi -même.
ça tourne. ça tourne très très vite.
Est-ce qu’on m’aurait foutue dans une centrifugeuse ?

Je sais pas quel est le con qui m’a pris pour un caillou à ricochets, mais j’aimerais bien atteindre l’autre côté de l’étang maintenant. ça commence à bien faire.

Bon.
Plaisanterie mise à part.
Ma meilleure amie m’a dit pour la cinquième fois depuis le début de l’année d’aller voir un psy. Enfin, pas depuis le début de l’année. Pas exactement.
Juste depuis ces cinq dernières semaines je dirais.
J’y songe.
Si si.
Pour de vrai.
Juste que je ne voudrais pas entamer une thérapie maintenant que j’ai décidé que plus rien ne devrait me rattacher à cette ville.
Si je dois trouver le psy de ma vie, je le trouverai dans ma future ville.
A priori, ce sera Paris. Mais bon, si je trouve un CDI à 2000 euros mensuels ailleurs, hein, je cracherais pas dessus.

Les choses sont assez limpides aujourd’hui. Je vais mal. Depuis combien de temps ? J’en sais rien.
Je me suis gentiment laissée enterrée. Par flemme. Par peur. J’en sais rien non plus. Un savoureux mélange des deux, sans doute.
Des proches, et même de presque parfaits inconnus, m’ont dit ce que j’avais besoin d’entendre. Même si j’en avais pas tellement envie. Je me suis pris des bons gnons dans la tronche.

J’ai peur de bouger. J’ai peur des autres que de moi, même si je suis d’une curiosité maladive. Je me recherche moi. Je sais pas pourquoi, mais c’est comme ça. J’ai besoin des autres. A un degré tel que je fais tout pour m’isoler de tout le monde. Dans la plus stricte incohérence.
Est-ce qu’un psy m’aidera à comprendre ? Accepter ? M’aidera t’il à satisfaire mon autre maladie qui consiste à vouloir coller des mots sur tout ce qui me passe par la tête ?

Tiens, je viens d’achever ma course de ce soir dans un arbre.
J’ai mal.
Je reviendrai.

Déchectueux

Elle est étrange, cette claque.
Douloureuse, c’est certain. Mais à bien y réfléchir, pas tant que ça.
Je n’attendais qu’elle. Et je crois d’ailleurs que je n’ai pas encore eu complètement ma dose.
La douleur associée à la délivrance de l’attente, ça constitue un merveilleux terreau pour faire pousser des graines de plaisir.
Complètement masochiste, je l’avoue bien volontiers.

Dans l’erreur, depuis trop longtemps.
Est-ce une solution de donner un nom à la peur qui me ronge ? Est-il vraiment utile de tout décortiquer pour essayer de trouver le courage d’avancer ?
Je le sais bien, que je tourne en rond dans ma cage. J’en ai parfaitement conscience. Et c’est tout ce que j’offre, d’ailleurs.
Ce que je suis, je le garde pour moi.
Ce que je vis, et que je vis mal, je le donne en pature. Et on me le rend en vomi.

Forcément ! Comment pourrait-il en être autrement, dis-moi…

J’ai tout cassé. Tout ce que j’avais sous les pieds. Parce que ce n’était pas assez bien.
J’ai détruit, sans trop comprendre, sans trop savoir comment. Parce que ça ne me convenait pas vraiment.
Garder les valeurs, et jeter les acquis. Faire le tri.
Je ne sais pas ce que je vais construire avec tout ça. ça ne ressemblera sûrement pas à ce à quoi je m’attendais.
ça ne me ressemblera peut être même pas.
Eternelle insatisfaite, j’ai essayé de rentrer dans des carcans et de m’y lover. En attendant d’être heureuse, en espérant que ça passe. Que tout cela passe enfin.
Mais ça marche pas comme ça.

Amputée de moi, peut-être que j’apprendrai enfin à marcher.