Bravo

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Ils ont réusssi leur challenge !
Maintenant le seul truc qui me retient et me motive, c’est de faire deux beaux CV tout neuf et de me casser.

Si ça c’est du management, j’me bouffe un bras.

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Horizon

Quatre heures passées de onze minutes dans la nuit du deux fois dix-six janvier deux-dix fois dix fois dix- huit.
Le temps passe lentement. Et les voitures pas du tout.
Quelques unes osent cependant rouler, cinq grammes de vodka dans chaque chambre à air. Y’en a une, ça fait trois fois qu’elle passe. Je crois que c’est pour la gamine du sept. Ou pour la pute qu’était souvent devant le huit. Pas de bol, elle s’est faite étrangler à l’angle la nuit dernière. Ils avaient qu’à réparer le lampadaire aussi, depuis le temps que c’était tout noir dans ma tête.

Mon seul arbre dort. Comme toujours. Il fait semblant. Comme toujours. Il nous fait sa poussée de bourgeons en silence, sans que personne ne regarde. Ce jeune puceau. De toute façon, avec son espérance de vie de dix ans, je serais lui, je la ramènerais pas. Mais c’est à croire qu’il est au courant tellement on s’adresse la parole.

Les étourneaux sont revenus ce soir le couvrir de leur fiente acide, ils vont encore me pourrir la peau, tout chargés qu’ils sont des graines transgéniques qu’ils sont allées piocher dans la poubelle du macdo, piquer dans la main du clodo, sur le trottoir de la pizzeria, sous les fenêtres de la vieille du deux ; y’a peut-être des chanceux qui ont eu le courage de voler dans la journée jusqu’aux champs à plein de kilomètres de là. Qu’est-ce que j’en sais, moi. C’est le vent qui m’a parlé des champs. Moi, j’en ai jamais vu.
Et puis le vent, il me fait froid dans la bouche de toute façon. C’est qu’un con.

Moi tout ce que je connais, ce sont ceux qui m’habitent, me longent et me traversent.

Je parle pas avec les autres de mon espèce, je les ai jamais croisés. Je m’écrase simplement face aux avenues qui me coupent en trois. Elles s’y mettent à quatre. Autant vous dire que j’ai du mal à me réunir, parfois. Mais avec le temps qui ne change pas, on s’habitue à n’importe quoi. Même à ça.

J’aimerais bien avoir des jambes pour m’enfuir, des bras, des mains, des semblants d’extension, des appendices humains. Ils en ont bien, eux, les passants. Moi, tout ce à quoi j’ai eu droit, c’est de céder le passage trois fois.
Saint-Urbain, j’y crois pas. C’est des conneries tout ça. Alors à quoi ça servirait de prier pour avoir ne serait-ce qu’une petite impasse dans ma vie, une pas trop moche dans laquelle me fourrer les nuits comme celle-là ?

Demain, des travaux sont prévus au treize. Toujours la même rengaine. On va encore m’amputer de quelque chose. Jamais ça leur ai venu à l’idée de m’aider à grimper un peu. Jamais depuis que je suis né on ne m’a fait grâce d’un étage de plus, un pauvre étage de rien du tout. Juste pour que je puisse espérer voir par-dessus les avenues.

Heureusement que le soleil descend me voir, tous les soirs. Sa lumière me donne une belle gueule. J’aime pas quand il fait gris. Je ressemble à rien. Encore plus, je veux dire. Il paraît qu’avant, ça aidait quand même, pour l’hygiène, la pluie. Aujourd’hui, ça m’encrasse un peu plus chaque fois.

Je m’appelle Antonins. Rue des Antonins. J’ai quinze numéros et demi. Et mon rêve dans la vie, c’est de ne pas être ce que je suis.

Un si long voyage

Alors voilà, je suis de retour.
J’ai pas l’air comme ça, mais mine de rien, j’étais partie super loin.
A Paris. Ma ville de week-ends, ma ville de la peur, ma ville qu’est pas à moi, mais que j’aime vachement quand même.
Rue Oberkampf. Une rue dont je connais au moins trois restaus quatre bars deux tabacs deux tireuses à money deux merdes de chien trois branlodragueurs, une rue que j’ai remontée tout entier pour parfois aller chercher l’espoir, que j’ai redescendue main dans la main avec le sourire, que j’ai remontée au bras d’un homme, redescendue en riant avec une copine, remontée, redescendue, en me marrant, en pleurant, en frôlant les murs, en fonçant dans l’tas, tout ça au moins vingt fois. Si on compte aussi ce qui compte pas.

Rien qu’un endroit comme d’hab au final, rien qu’un coin que je connais bien.
Et que j’ai découvert pour la première fois.

Quand je regarde un film, j’attends le lendemain pour savoir si j’l’ai bien aimé. Si je m’en souviens, si les émotions restent gravées, alors c’est tout du bon.
Ben ce week-end, j’ai pas regardé de film. J’aurais pu, vu le lieu. Et ça aurait pu même être logique. Mais faut bien que les choses changent dans les plaines sous le plâtre et la pluie.
En fait, je suis allée sur la pointe des pieds soutenir le monsieur de chez elucarrébrations, slameur à ses heures. Et comme je découvrais tout ça moi, ben j’ai commencé gentiment par l’apéro slam. C’était bon. Alors j’ai pris les hors d’oeuvre slam. Pas mal. Le poisson. La viande slam. Les ptits légumes, les patates sautées, le riz sauce slam, le fromage, le gâteau chocoslam, la slam vanille, avec un verre de slam, et quatre pailles, et puis des petits bouts de slam pour accompagner tout ça, parce que plus ça slamait dans mes oreilles, et plus j’en avais faim et plus j’avais envie de bouffer, de m’engouffrer, m’empoigner, de m’imprégner, me délasser, dénouer, dénerver, détoxifier, désidentifier, désilluminer, me laisser éteindre bouger suffoquer respirer…
J’ai pris mon pied. Le week-end tout entier. Le cul sur une chaise, presque sans bouger, et sûrement sans baiser, à les laisser me montrer que la parole ne dort pas et que les mots lèvent le bras pour être soufflés.
Dans ma tête, ça s’est pas arrêté. J’ai reglé quelques heurts, j’ai nommée ma colère, même si c’était pas à la bonne personne. Mais y’a t’il une personne qui doive entendre ces mots là alors que ce n’est que moi qui les ai enfantés.
L’enfant.
Putain. L’enfant.
ça me fait mal encore quelque part alors que c’était oublié, effacé, du passé loin, très loin, des années, des mois, et des pointillés collés par -dessus.
ça me fait mal, et ça devrait pas.
L’instinct emprunte de ces chemins, parfois.
Mais au moins j’ai parlé. Au moins j’ai dit.
Et après, j’ai pas arrêté.
Dans ma tête. Toute la nuit, en anglais, ou plutôt en yaourt, mais surtout en français, en rimes, en rythmant, en diabler, en cris, en choeurs, en crocs, en rocs en pics et lyres, cordes et vers.
L’accord résonne encore et me laisse sans voix, parce que je ne sais toujours pas dire. Je sais juste taper.
La violence infligée au clavier. Dernier refuge des sans échos, des sans résonne, de ceux qui crient juste en insistant un peu plus sur la touche espace.
Et toute la journée, ça a tourné dans ma tête, me laissant simplement assez de nerfs pour faire face à l’ouvrage pécuniaire, socio documentaliste.
Et puis ce soir, j’ai voulu m’arrêter de planer, alors j’ai laissé la parole à mes oreilles. Et j’ai inséré le CD.
Bordel. Y’a du Nosfell là-dedans. Des sons magiques et une voix d’ange. Et j’avais même pas remarqué.

Je reviens dans quelques jours. Je voulais attérir, mais je crois qu’en fait, je commence à peine à décoller.

Pas de sacrifice. Et pas de tradition.

Une question me taraude… Qu’est-ce que je suis venue foutre au bureau aujourd’hui ?
Les réponses qui me viennent spontanément en tête doivent malheureusement se contenter d’y rester. Arracher les cables, exploser un écran à coups de bible ou jeter les tuiles du toit sur les passants.
Il est marrant, le cheminement de l’énergie que l’on se fabrique. Jour après jour, la violence ne se ressemble déjà plus. Je retrouve ma boule de nerfs, nourrie de toutes ces incompréhensions qui me tournent autour, un peu comme si je cherchais à les attirer ; nourrie des yeux froids qui te regardent en face et décident en un battement de cils inratable qu’ils ne te verront pas. Au bout d’un certain nombre de fois et venant des mêmes personnes, quand même, ça m’interpelle.
Quelle étiquette ont-ils bien pu me coller sur le front ?

Autre question, tant qu’on y est. Doit-on faire confiance à l’employeur qui vous dit « bientôt bientôt on verra » ?
Avec un peu plus de recul, peut-on faire confiance à un homme que vous voyez depuis six mois, qui vous fait craquer et qui le sait ouvertement, qui vous parle du chant des oiseaux à cinq heures du mat, qui vous colle finalement et irrémédiablement deux bises en guise d’aurevoir en vous abandonnant devant le métro et qui vous écrit quand même « ne désespère pas » ?

Je crois que je n’ai pas fini de remplir ma rubrique à déchets. Va y’en avoir, des trucs à jeter, cette année.

[Nalinou, j’ai finalement entamé une grève du sms et je t’envoie plein de bisous.
Et je twitte et msnise si je veux.
Je pense à vous les ptits chéris. Même si.]