Les 5 blessures, la femme et l’enfant.

Lise Bourbeau nous parle de 5 blessures, que je qualifierais d’originelles. Elle nous parle aussi de Dieu, mais Dieu n’est pas un gros mot et chacun y mettra ce qu’il voudra derrière. Elle nous parle aussi de karma. Notion un peu dérangeante pour moi car elle m’invite à aller fouiller dans ce que je paye dans cette vie-là. Et j’ai pas trop envie. Je préfère me concentrer sur le fait de réparer et de transformer. Faire de la pourriture émotionnelle que je génère une belle merde brillante à paillettes qui sent bon le fumier et les petites fleurs des prés. Le processus de transformation et de sublimation, en somme. Voilà ce qui m’intéresse surtout.

Et puis bon, elle est mignonne aussi, la Bourbeau, à nous dire que nous sommes responsables de chaque maladie que notre corps peut générer. Elle est mignonne à nous sortir ce discours hyper culpabilisant empreint de catholicisme tout en nous servant « Mais surtout, ne vous sentez pas coupable ! ». Ouais, c’est ça, surtout, ne pensez pas à une voiture rouge à l’instant où vous lisez ces mots.

Enfin bref.

Les 5 blessures donc, qui vont donner lieu à 5 masques de défense que l’on adopte en réaction :

  • Rejet : masque du fuyant
  • Abandon : masque du dépendant
  • Humiliation : masque du masochiste
  • Trahison : masque du contrôlant
  • Injustice : masque du rigide

Allez creuser le sujet par vous-même s’il vous intéresse, je suis pas là pour faire un exposé des idées des autres quand les autres sont mieux placés que moi pour les expliquer par eux-mêmes. (« Et un masque de rigide pour la quatre ! »)

Voilà plusieurs mois que je cherche à aller derrière les masques. Et j’ai des tendances plus ou moins marquées à les adopter tous à tour de rôle, parfois simultanément, au gré des circonstances. Comme chacun de nous, très probablement.

Un paramètre amusant : les hormones et autres perturbateurs endocriniens que l’on ingurgite ou que l’on assimile. Voilà sept mois que j’étais sous traitement hormonal afin de limiter l’endométriose qui me faisait des petites et grosses saloperies de kystes et autres polypes dans l’utérus et les ovaires. J’ai suivi le traitement sagement avec parfois, certaines réticences à avaler cette pilule, dans tous les sens du terme. Mais je l’ai fait. Voilà plusieurs mois que je me demandais ce qui bloquait toute envie de ma part d’entretenir une quelconque relation charnelle. Jusqu’à m’en poser des questions sur ma sexualité, ou plutôt mon asexualité. Autrement dit, zéro libido depuis des mois. Mais alors, quand je dis zéro, c’est zéro.

Vous inquiétez pas, c’est normal, qu’il me dit, le gynéco, c’est un tue l’amour. C’est sûrement hormonal plus que psychologique.

Ha ok. ça faisait sept mois que j’étais sous ménopause artificielle. Sous castration chimique. Sous tue l’amour. Je comprends mieux. Le côté très encourageant de cette expérience est que malgré tout, c’est pas si tue l’amour que ça. J’ai fait d’heureuses rencontres, au début de cette période. Cette modification de mon paramètre hormonal naturel m’a aidé à faire la distinction entre mes envies réelles (émotionnelles, physiques et mentales) et les envies dictées par mes ovaires. Ils ont un sacré pouvoir ces morceaux de soi… Et il est bon de savoir qui dit quoi et qui a le dernier mot pour passer à l’action, ou pas.

N’empêche que ça commençait sérieusement à devenir gonflant de se demander où était passée ma part féminine. Le masque du contrôlant et du rigide ont eu la part belle…

Faire tomber les masques que j’adopte et qui ne m’appartiennent pas. Je ne suis pas mes blessures. J’en ai certaines. La différence est de taille. Il y a des choses en moi qui ne sont pas moi. Il y a des événements que l’on vit qui réveillent ces blessures avec plus ou moins de force. Rejet et trahison sont pour moi les plus violentes. Il y a des blessures aussi que j’ai l’impression de porter comme on porterait le sac à dos de quelqu’un d’autre. Des blessures qui m’appartiennent encore moins que les autres. Comme un héritage malvenu.

La blessure de rejet va jouer un rôle dans la place que l’on prend. Dans la place que l’on s’accorde de prendre. Voilà qui me parle. Elle n’est pas seulement mentale, comme peut l’être ma blessure d’injustice. Je la sens entière. Je la sens m’occuper de façon permanente et je sens que toute ma vie amoureuse lui a docilement obéi jusqu’ici. Elle est le fil conducteur que je vois se dessiner dans mes choix, afin de m’assurer de toujours aboutir au même schéma. J’ai fui ma propre identité en accordant à l’autre le droit de m’en donner une. Le droit de me définir. Le droit de définir mon être, mon essence, ma valeur. Tout ça pour une bête idée d’être venue au monde illégitimement. Pour un sentiment idiot d’être coupable de tout le mal de mon univers.(Blessure d’injustice, qui va découler de la force de la blessure de rejet) Nan mé franchement.

La blessure de trahison me saute aux yeux, elle me semble couler de source. (Elle découle de la force de la blessure d’abandon). La trahison du père absent. La trahison du frère qui jouait au père sans être en âge de savoir le faire. La trahison de chaque homme de ma vie. Je trouve dans chacune de ces relations une raison de me sentir trahie, plus ou moins fondée mentalement, plus ou moins justifiée dans les faits. Mais le coeur y est, avec parfois beaucoup de ferveur et de rancoeur. Si j’écoutais cette blessure, je pourrais certainement finir par tenir le discours « Tous des salauds ». Mais bizarrement peut-être aux yeux de certains, ça ne m’a jamais tentée. Est-ce mon masque de masochiste qui me pousse à continuer de vouloir aimer ? Il n’en est pas moins qu’il est inconcevable pour moi de considérer certains comportements nuisibles comme représentatifs de tous les individus.

Qui dit trahison, dit donc masque du contrôlant. La vache ! C’est vrai que je lâche pas trop la bride, hein… Gros boulot sur le lâcher-prise ma cocotte ! Je crois que j’en ai pour toute une vie sur ce travail. Et pour ce faire, il me paraît nettement plus judicieux de partir dès le début d’une relation sur l’acceptation du non-contrôle plutôt que ça finisse encore en envies d’énucléer et arracher les entrailles de quelques personnes. Mais alors. Si j’accepte de ne plus rien contrôler, est-ce pour céder à ma blessure de rejet qui m’incite à ne surtout pas prendre de place ? Quel bordel…

Je préfère en rire aujourd’hui car j’ai la conviction profonde de ne pas me résumer à ces mécanismes de défense. Est-ce mon ego et son orgueil qui parle ? Qui sait ?

Ce qui m’aide à nourrir cette conviction profonde d’être bien plus que ces masques et ces blessures, c’est ma capacité à aimer. Depuis toujours, je sais que je suis faite pour aimer. Je ne savais pas toujours comment, jusqu’alors. Et sans doute ne le sais-je toujours pas vraiment. Mais pour trouver une façon d’aimer de tout mon être, je me fais confiance. J’y suis toujours parvenue. La merde à paillettes que mon être fabrique s’appelle pardon. J’ai mis le doigt sur tous les plus grands pardons que j’ai à fabriquer, à transformer, à pétrir. Ils ne sont pas tous très aboutis, mais ils sont là, en graine parfois. Et je les travaille du mieux que je peux.

Et maintenant que je me retrouve, entière, déconstruite et reconstruite, chaque jour, jusqu’à la fin des temps, je vais aimer. Je vais m’aimer, librement et en toute conscience, avant toute chose. De toutes les couleurs que je peux. Ma joie de vivre tenait peut-être à une hormone, un déséquilibre, une pièce manquante. Mais elle est là, cette joie, cette force créatrice, je la sens. Elle nécessite certains jours des efforts pour aller la chercher, elle se fait désirer. Elle m’a manqué. Et aujourd’hui, j’ai envie de la faire rayonner. Comme cette enfant qui faisait le pitre devant la fenêtre de la caravane pour apporter de la joie à sa famille, qui s’est cassé la gueule en faisant peur à toute la famille, qui s’est relevée en pleurant et en riant, et qui dit adieu, je vous aime, à toute sa famille, 35 ans plus tard.

Cher lecteur, chère part sombre de moi, chair tapeuse de mots

Aujourd’hui, je t’écris pour te laisser parler et t’en mettre plein la gueule. L’heure de la digestion. Aujourd’hui, j’ai envie de tuer et de te laisser crier.

Pour le simple plaisir d’écrire ces mots. Le cri, la craie. Tuer, tu es. Le grincement du couteau dans l’assiette où nous trônons comme des mets délicats.

Y’a quelque chose de pas juste. Alors on va se faire justice.

C’est dégueulasse d’avoir des pensées comme ça. C’est dégueulasse et ça fait mal à l’intérieur.

Coucou Schopenhauer. L’homme est un loup pour l’homme et c’est vrai que tu ne me laisses jamais seule. Il y a de ces moments où il faut que ça ronge de l’intérieur. Qu’est-ce qui est en train de te dévorer ? L’entends-tu avancer à pas feutrés ? L’entends-tu seulement quand il hurle dans tes oreilles qu’il est là pour te dépecer ?

Je ne cherche pas à te déranger, cher lecteur, et ta place n’est pas ici si tel est le cas.

Ici, c’est le lieu de la boucherie. Où je fantasme de sang et de tripes, de larmes et de cris. Ici, c’est le lieu où tout m’est permis puisque rien n’a sa place dans le monde que je veux créer autour de moi. Mais dans les mots, ce pays magique où les doigts courent sur le clavier en tapant des lettres, tout doit trouver sa place. Je n’ai plus envie de fermer les yeux sur ce que je n’aimerais plus voir. Tu as le droit de t’exprimer, chère part sombre de moi.

J’aimerais que tu sois pendu par les pieds et que tu te vides de ton sang. J’aimerais plonger la main dans ta poitrine et t’arracher le coeur. J’aimerais ouvrir ce corps et fouiller dedans pour découvrir ce qui se cache à l’intérieur. Je serais affreusement déçue de n’y trouver que ce qui compose le mien.

De la chair et du sang. Des valves, des liquides, de la merde en composition, des os, de la lymphe, des boyaux, des tuyaux qui se tiennent ensemble et forment un être humain.

C’est bien matériel tout ça. Et ça n’apporte pas beaucoup de réponses. Une voiture en pièces détachées. Un petit piano qui a joué de la musique avant d’être brisé et démonté.

Où est ton âme ? De quoi est-elle faite ? Quelle énergie dégage t’elle ? De quelle couleur est-elle ?

Voilà, c’est terminé. La chair ne me passionne pas. Surtout quand elle ne joue plus de musique, sans donner de réponses.

J’ai quelque chose à prouver, mais à qui ? La seule personne qui a le droit de pisser sur ces murs-là, c’est moi. C’est mon cocon de merde, ma prison, ma prairie de fleurs, mon chez-moi.

Ta réalité et tes croyances n’ont rien à faire là et je n’en veux pas. Si tu t’approches trop près et que tes couleurs commencent à déteindre sur mon arc-en-ciel, ma caresse va sortir ses griffes et lacérer ton corps. Ton visage. Est-ce cela, la justice que tu attends ?

Quand je rêve de te voir crever, je me tue un peu plus. Quand tu me fais crever, tu te lacères un peu plus.

Qui es-tu ? Chère part sombre, cher lecteur, cher auteur ? Où sont les limites qui nous séparent, vous et moi ?

Il existe un pays imaginaire où je vis au milieu de gens. Je ne distingue encore pas très bien ce qui fait partie de moi et ce qui fait partie d’eux. J’apprends seulement à démêler les fils et dénouer les boyaux de couleur.

J’ai une furieuse envie d’aimer ce pays imaginaire et les gens qui le composent. Sans rien voler à personne. Sans qu’on ne me vole rien. Ce n’est pas que tout soit soumis à la notion de propriété. C’est simplement qu’ici, on donne, on offre, on propose, on aime et les autres interactions n’ont pas leur place.

Il aura fallu que je me morcelle pour découvrir la beauté de ma plénitude. Unique et entière.

Je serai gardienne de mes couleurs sacrées, de mes printemps, de mes lumières, de ma prairie en fleurs. J’ai compris que parfois, j’offre du orange et je récupère du souffre caca d’oie.

Nous ne nous perdrons plus, nous transformerons. Et la vie trouvera son chemin.

Tu n’as plus ta place dans ma réalité si ta part sombre n’est pas capable d’aimer plus loin que le boyau de merde que nous sommes.

« Ceci est mon corps »

Ils ont commencé la soirée en rappelant une des valeurs fondamentales de l’univers polyamoureux, je dirais même une des valeurs fondamentales de toute relation inter- personnelle saine : Le consentement. Et tu étais là, à quelques pas de moi. Le Fantôme du passé. Qu’est-ce que tu faisais là ? Qu’est-ce que tu venais chercher ? Peu importe.

Les images des derniers instants que j’ai vécus à tes côtés en te considérant encore comme un « ami » me sont revenues en pleine face. Ces instants où je me suis retrouvée dans cette chambre, en pleurant et en tremblant comme une feuille quand une fois de trop, tu as sorti ta bite. Une fois de trop tu t’es frotté contre moi. Cette fois où je disais non. Arrête. Cette fois où tu ne pouvais pas m’entendre, tu ne pouvais pas m’écouter parce que ta bite était plus importante que moi, que mon état, que ce que je ressentais.

Et j’ai enfin pu te demander les yeux dans les yeux la seule chose que j’espérais de ta part : Des excuses. Des vraies. Seulement dans mon univers, des excuses, ça doit sentir l’excuse, ça doit avoir le goût d’excuse, ça doit se lire, se toucher, s’entendre excuse. ça doit respirer l’excuse. Et pour ça, il faut avoir un centre émotionnel en état de marche. Mais tu fais partie de ces quelques personnes que j’ai croisées dans ma vie pour lesquelles ressentir des émotions, accepter de laisser surgir des émotions est un danger. Alors « Tu mets ton masque ». Tu fais la seule chose qui te permette de survivre : tu te protèges de tes émotions.

Tu as prononcé des excuses. J’ai, malgré tout, été émue de les entendre. Je sais que je ne recevrai jamais les excuses que j’attends. Et qu’il ne me sert plus à rien de les attendre parce qu’elles ne viendront jamais. Jamais les deux personnes sur cette terre dont j’attends les excuses ne sauront m’apporter les mots sincères, honnêtes, ressentis, purs et vrais qui me sont nécessaires pour pardonner les actes et les mots qui m’ont blessée au plus profond de ma chair. Ma seule porte de sortie pour pardonner à la vie est de lâcher prise. Et je te remercie de m’avoir confirmé inconsciemment ce que je savais au plus profond de moi. Notre relation était toxique. Et elle ne peut pas exister autrement.

J’ai pris ton visage entre mes mains, une dernière fois. Je t’ai serré contre moi, une dernière fois. C’était pour te dire Adieu, Fantôme. C’était pour te dire enfin ce que je veux, et non ce que je ne veux pas : Je veux tourner la page. Quand j’ai prononcé ces mots, je ne sais pas si tu as entendu que ça voulait dire Adieu.

Tu as peut-être entendu autre chose : la possibilité d’un contact physique. L’ivresse de notre contact physique. Qu’est-ce qu’on baisait bien ! On ne s’arrêtait jamais ! Qu’est-ce que c’était bon ! Est-ce donc tout ce que tu as retenu des années que nous avons vécues ? Tu as cherché à retrouver cette ivresse, tu as passé ta main sous mon manteau, sur mes hanches. Je t’ai repoussé. « Ceci est mon corps. » Tu as rigolé. « Oh ! Mais voyons, ce n’est que ma main sur tes hanches ! Après tout ce qu’on a fait toi et moi…  » Tu as voulu me reprendre dans tes bras. Tu as cherché à rouvrir cette faille qui te semblait ouverte. Tu as cherché à te coller à moi. Je t’ai repoussé.

Quand tu as fini par comprendre que je te repoussais vraiment, tu as sorti l’artillerie lourde. Bien sûr avec beaucoup de ménagement. « je ne veux pas t’accuser de quoi que ce soit ». Tiens. Je sens que je vais être accusée de quelque chose…

« Qu’est-ce qui fait que tu te sois rendue … éjectable ? ». Ta question n’était pas claire. J’aurais dû te pousser à la reformuler pour te laisser aller tout seul au bout de ton raisonnement faussé. Mais j’ai commis l’erreur d’interpréter. Parce que j’ai beau, au final, t’avoir éjecté, quoi que tu en dises, je sais que je ne m’en suis pas moins rendue éjectable.

Et là, tu as employé un stratagème typique : Je t’ai confié des choses, j’ai été honnête avec toi, je t’ai parlé avec la même honnêteté que j’essaye d’avoir avec moi-même, et je t’ai donc répondu par l’évidence d’une de mes faiblesses. Ma faiblesse de me faire toute petite, de ne pas prendre de place. Ma faiblesse de rester l’enfant sage et docile qui se contente de rester dans son petit lit et de ne surtout pas en bouger, de ne surtout pas vivre.

Et tu l’as retournée contre moi. Dans ta bouche, j’étais coupable de m’être faite toute petite. J’étais coupable de réaliser tout cela à presque 40 ans. J’étais coupable.

Je suis sortie. Tu es venu t’excuser. Suite logique du stratagème typique. On fait du mal, on en fout plein la gueule pour oublier qui joue le mauvais rôle dans l’histoire,  et pour essayer de se délester de la faute sur l’autre, la victime consentante parfaite, le petit être fragile tellement honnête et tellement plein d’amour et tellement manipulable. Et puis on s’excuse. Je prends des boutons à chaque fois que j’entends « Je m’excuse ». Des mots auxquels j’ai simplement envie de répondre : Auto-excuse-toi si tu veux.

Tu m’as fait penser à ces deux fois où l’Autre m’a sorti des choses atroces, dévalorisantes, humiliantes et où, se rendant compte à la fois de l’impact que ça avait sur moi et de ma lucidité, il m’a dit « Je ne sais pas pourquoi j’ai dit ça… »

Aujourd’hui, je sais pourquoi. Et je pourrais lui fournir la réponse complète et détaillée s’il avait les couilles de venir me la demander. Ce qui n’est pas le cas.

La différence aujourd’hui est que j’ai la ferme intention de ne plus entrer dans ce jeu. Et que je ne suis plus dupe de ce qui se joue en moi. Ma faiblesse est ma plus grande force. A force d’aller creuser dans mes failles, j’ai fini par en toucher le fond. Et je commence sérieusement à remplir le tout d’amour, d’affection, de bienveillance, de confiance envers moi-même. J’apprends à être mon propre parent puisque tout est à reprendre à zéro. Je suis allée chercher la petite fille, je l’ai prise par la main. Je la prends par la main tous les jours. Et je lui apprends à vivre. Je lui apprends enfin à être et à ne plus avoir peur d’exister.

Dans ta bouche, j’étais coupable. Dans la bouche de ma mère, j’étais une petite chose fragile dont il fallait profiter.

Ma fille, ton seul rôle dans la vie est de survivre et d’éviter tout danger. Ne sors pas de ton petit lit… Ma fille, si tu t’autorises à vivre, tu vas me tuer ! Je n’aurai plus d’identité ! Qu’est-ce que je vais devenir, moi, la Mère, si ma petite dernière est une femme heureuse et épanouie ? Qu’est-ce que moi, la Mère, je vais être si tu me prives de ce rôle de Mère protectrice et étouffante d’amour que je dois perpétuer sur toi pour donner un sens à ma vie ?

Les messages injonctifs auxquels on m’a formatée à obéir.

Va te faire foutre avec tes injonctions.

Va te faire foutre avec tes jugements.

« Tu es faite pour être monogame ». Vrai ou pas. Qui es-tu pour me dire qui je suis ? Qui es-tu ?

J’ai peut-être cette petite fille fragile en moi. J’ai peut-être cette petite fille qui a peur d’être abandonnée par papa. Qui a peur de faire du mal à maman. J’ai peut-être des putains de failles narcissiques. Mais au moins, j’en ai conscience. Elles sont là, je les vois, je les sens, je les vis, je les écoute, je les prends dans mes mains et chaque jour, je les répare un peu plus. Chaque jour, j’apprends à assumer le rôle d’adulte que je me dois d’assumer pour réparer la petite fille en moi.

J’ai peut-être mis presque quarante ans pour enfin prendre conscience de qui je suis vraiment, et de ce qui m’empêche d’avancer. Mais où en es-tu, toi ? Où en es-tu de ta prise de conscience de qui tu es vraiment ? Du jeu que tu joues avec moi ? De la manipulation que tu as encore tenté d’exercer sur moi ?

Qui es-tu ?

Personne.

Personne n’a le droit de me dire qui je dois être, comment je dois vivre, comment je dois chercher mon bonheur, comment je dois m’épanouir.

La famille que je recherche, tout au fond de mon être, peut prendre de multiples formes. Je serai heureuse auprès de personnes belles et bonnes pour moi. Voilà ce que je sais.

Des personnes pour lesquelles le mot « consentement » signifie la même chose que pour moi. Des personnes qui m’entendent et m’écoutent quand je dis NON. Des personnes qui partagent avec moi les valeurs de respect, d’amour sincère, de bienveillance et d’authenticité.

Tu n’en fais définitivement plus partie.

« Ceci est mon Corps« . Ceci est ma Vie. Ceci est mon Être. Et putain de bordel de merde, c’est Sacré.

Autrui, connard d’intrus.

Pendant cinq années où j’ai vécu seule dans ma maison en Beauce, parfois avec des colocs plus ou moins plante verte ou taré(e)s, ce blog m’a servi d’exutoire. ça a été comme une espèce d’auto-analyse, pour m’éviter d’aller voir un psy, sans doute. Je n’étais pas encore prête. J’ai commencé alors à écrire suite à une rupture mini-électrochoc. Et j’accepte qu’il m’ait fallu tout ce temps, et une rupture méga électrochoc de sa mère en tongs,  pour qu’enfin, je me sois décidée à entamer une vraie psychothérapie. C’est sans doute la meilleure chose que j’ai décidé de faire depuis très longtemps. Depuis… 6 ans ? Depuis ce jour où j’ai enfin compris, grâce aux mots d’un ami, que j’étais en train de me laisser mourir à petit feu dans ma grande maison au milieu des champs, et où je suis venue m’installer à Paris.

C’est rigolo les cycles de vie…les périodes de six ans qui s’enchaînent, se succèdent et peuvent fort bien se ressembler trait pour trait, l’air de rien. Qu’ai-je fait depuis six ans ? Recommencer ce que je faisais avant, mais ailleurs, autrement, sous d’autres apparences. Une amélioration certaine cependant : J’exerce aujourd’hui un métier qui me correspond beaucoup mieux.

La psychothérapie, pour moi, c’est enfin admettre que parfois, je n’y arrive pas vraiment seule. Je survis, bien sûr, je me démerde. J’applique ce que je connais si bien : Je bouffe de l’émotion et je la recrache sous forme plus ou moins sublimée. Mais je peux y arriver tellement mieux si j’accepte de dire : « S’il te plaît, aide-moi ». Ces mots qui m’écorchent un peu la gueule, et que pourtant, j’ai tenté de communiquer à autrui, dans une manipulation plus ou moins inconsciente, tout au long de ma vie. Il est arrivé que ce soit tellement inconscient que le message que j’envoyais à la place, parfois, c’était : « S’il te plaît, fais-moi mal ». Et qu’est-ce que j’aimais ça !

C’est dingue comme ça a bien fonctionné. Mais ça m’amuse plus vraiment ce jeu-là. Le jeu de la victime.

Lors de la dernière séance chez ma psy, toute chargée de cette espèce de colère qui m’habitait depuis plusieurs jours, j’ai commencé par dire ce que j’avais prévu. Que j’arrêtais pour quelques semaines. Parce que je percevais qu’elle avait une idée du bonheur que je devais atteindre alors que moi-même, je n’avais aucune idée de mes projets de vie à long terme. Je ne sais pas à quoi j’ai envie que mon bonheur ressemble. Et elle, elle a l’air de le savoir, et ça m’énerve. Sauf que c’est ça depuis plusieurs mois maintenant : Je perçois chez beaucoup de gens des idées précises me concernant et dont je ne veux plus. Je refuse leurs idées. Je refuse leurs projections. Je refuse autrui. Autrui est un intrus.

Sauf qu’autrui n’a pas changé. C’est moi qui change. C’est moi qui introjette tout ce que je perçois d’autrui me concernant. Et ces introjections sont devenues des agressions, permanentes.

Elle m’a dit une phrase, au sujet de ma mère. ça ne m’a pas vraiment parlé. Après 30 minutes de discussion, elle a répété la même phrase. J’ai éclaté en sanglot. Un seul sanglot, qui venait de très loin, de très profond. Un cri. Une immense respiration. « On a touché quelque chose », elle a dit. Evidemment, j’étais un peu beaucoup d’accord parce que je ne pouvais plus nier.

Je me battais contre un fantasme qui ne m’appartenait pas, mais que j’avais intégré depuis ma plus tendre enfance. J’ai localisé le principal intrus. Ma psy m’a permis d’installer un halogène près du champ de bataille : Je vois enfin contre quoi je me bats. Et peut-être que la guerre ne fait que commencer. Une guerre d’amour, de bienveillance, de pardon et d’épanouissement. Une guerre pour m’accorder enfin le droit d’être heureuse, sans que cela tue personne. Une guerre pour regarder d’un oeil nouveau ces moments d’auto-sabotage où je me démerde, par une magie que je ne m’expliquais pas, pour faire fuir un homme que j’aime (ou pas, d’ailleurs). Une guerre pour ne plus vivre le fait de tomber enceinte, si la situation venait à se représenter,  comme un crime impardonnable, une atteinte à la vie, une incohérence du destin, qui se finit en fausse-couche. Une guerre pour écouter mes alertes, pourtant si efficaces quand j’accepte de les entendre, lorsqu’un homme me promet, plus ou moins inconsciemment, qu’il me fera souffrir.

Et je commence à voir pourquoi l’envie d’écrire ici revient. Pour témoigner de mon cheminement. Pour graver les idées, les mots, les sens. Ce que j’ai écrit dans ma période beauceronne me sert encore beaucoup aujourd’hui, pour ce travail d’analyse et d’auto-analyse. Plancton fait moins de sublimation poétique, pour l’instant, c’est certain. Mais peut-être que Plancton n’a vraiment plus envie de se vautrer dans ses boues d’émotions parce que l’important aujourd’hui est de faire tomber les masques égo-protecteurs. J’ai enfin pris le chemin de qui je suis, et j’en suis heureuse. C’est difficile, c’est cahoteux, c’est fatigant, c’est pas tous les jours une réussite, mais ça avance. Et nom de dieu, qu’est -ce que c’est chouette.

Et ce qui est encore plus chouette, c’est qu’en faisant la paix avec moi, je fais la paix avec toi, autrui que je ne connais pas. Et enfin, je peux aller à ta rencontre. Enfin, je peux apprendre à être réellement à ton écoute, sans trop interférer avec mon copain l’ego. (T’as rien contre les ménages à plusieurs ?) En tout cas, j’espère qu’on va bien s’entendre, parce que moi, je ne demande qu’à pouvoir t’aimer si je n’ai pas de raison de t’envoyer chier.

 

Opération à poubelle ouverte

Je m’étais arrêtée à 499. Voilà donc le 500 ème. ça aurait pu en être un autre. Il y a une dizaine de brouillons qui attendent d’être pondus, et qui peuvent sûrement attendre encore longtemps. Je vous préviens tout de suite, ce soir, c’est catharsis et logorrhée. Normal, après une constipation de plusieurs années.

Les mots ont tourné toute la journée. La colère est revenue, teintée de nouvelles nuances. Je me suis évertuée depuis des mois à me dire qu’il fallait à tout prix que je pardonne, que je ne pouvais pas garder cette colère en moi. J’ai voulu la faire disparaître, l’amadouer, l’apaiser, la chasser, j’ai tout essayé et rien n’y a fait. La colère est là, plus vive que jamais. Elle transforme en rage tout ce qu’elle approche.

Je peux pardonner à l’être qui m’a fait souffrir. Ok.  Je renonce à tout espoir d’un meilleur passé. Je peux accepter qu’il n’a fait que comme il pouvait, avec les moyens intellectuels, affectifs, émotionnels, instinctifs qu’il avait.  Comme un gros bâtard de fils de crevure de sa mère, quoi.

Je peux me pardonner. Je peux me pardonner d’être un champ de bataille, de trouver que le Général n’est pas très futefute parfois, que le Juge est un gros con qui me pourrit un peu la vie, que la Gamine, elle est pas très facile à consoler, que c’est le merdier, que c’est la colère, que c’est l’envie d’écouter « Mad World », et que coucou Melancholia, je savais pas que tu t’invitais ce soir chez moi. On se fait un strip poker ?

Mais les actes, les mots, je peux pas pardonner. J’y arrive pas.

Dans mon univers, les mots ont un sens. Par exemple « Je ferai tout ce qu’il faudra pour apaiser tes angoisses », ça a un sens.

Agir contre le sens de ces mots, ça a un sens. Me raccrocher au nez lorsque cette angoisse est trop forte, et que les engagements pris n’ont pas été respectés, ça a un sens.

Dire « pardon » du bout des lèvres sans avoir l’air de comprendre le sens du mot, ni comprendre pourquoi il devrait être prononcé, ça a un sens.

Dire « La seule chose que je regrette, c’est de m’être engagé à quelque chose », ça a un sens.

Dire « quand j’irai coucher avec une autre fille, je ne t’autoriserai à m’appeler qu’en cas d’urgence. Par exemple s’il arrive quelque chose à tes parents » (en gros, si mes parents crèvent), ça a un sens.

Et le seul sens que ça a, tout ça, c’est celui de la colère.

Ha. On était bien partis pourtant. C’était beau, ce soir là, quand tu m’as dit « je t’aime » pour la première fois, après dix mois. Bon, c’est vrai que c’était juste après m’avoir annoncé que tu avais besoin de séduire d’autres femmes, dans l’honnêteté et le respect ! Sans te sentir ni coupable, ni frustré. C’était chou. Mais bon, il fallait bien que tu trouves un truc pour t’assurer que j’étais bien ferrée, hein.

T’étais mignon à vouloir t’essayer au polyamour, sans avoir seulement conscience que le seul amour que tu pratiques, c’est la succion de l’amour des autres. Petit narcissique chéri.

Ce qui était vraiment rigolo, c’était l’espèce de cinéma que tu as joué lorsque j’ai décidé de te quitter. Tu avais des larmes dans les yeux. Tu avais le cerveau qui pleurait, je crois. Tu étais tellement heureux de savoir que de toute façon, tu avais déjà ta nouvelle proie.

Et tu m’as dit « Tu ne me manqueras pas parce que je te garderai toujours dans mon coeur ».  Et puis après, pouf, tu m’as oubliée. Rayée. Effacée.

Je crois que ça avait un sens. Mais lequel ? Celui de la parodie d’amour que tu as jouée pendant un an ? Celui de l’impossibilité pour toi de faire face à la responsabilité des événements que tu m’as fait vivre ? De l’impact émotionnel que ça a eu sur moi ? Celui de ton incapacité profonde à te savoir responsable des larmes et de l’angoisse d’une femme alors que la seule chose que tu désires trouver dans ses yeux, c’est l’admiration sans faille qu’elle a pour le personnage grotesque avec lequel tu te déguises ?

Pendant des mois, j’ai cherché la sortie de ton coeur qui pue le moisi. T’es tellement laid vu de l’intérieur. La pourriture de tous tes mensonges inconscients, les ordures accumulées et refoulées que tu entasses dans ta déchetterie. Et c’est avec ça que tu fais circuler ton sang ? Pauvre petit.

Bon voilà. Cette fois, le bagage est posé. Il criait depuis  trop longtemps. J’aurai dû écrire tout ça sur un bout de papier pour pouvoir le brûler. Mais j’y arrive pas. J’ai besoin de ma colère… pourquoi ? Et surtout, pourquoi aujourd’hui ? Pourquoi ce soir ? Peut-être parce que j’ai reparlé de ces événements plusieurs fois récemment. Et que j’espère ne plus le faire.

Dire que tous mes stratagèmes d’apaisement semblaient si bien fonctionner.  Je suis allée me sauver dans chacun de mes souvenirs douloureux. J’ai récupéré les couleurs que tu m’avais volées. Je suis allée me consoler, me dire « t’en fais pas, regarde, tu es plus heureuse que jamais aujourd’hui ! » J’ai fait le truc du bidouillage photoshop de souvenirs, je t’ai vu petit garçon, tu me faisais pitié. Je t’ai changé en cafard, je t’ai écrasé. Je t’ai donné une voix de canard, tu étais ridicule. Mais décidément, la PNL, c’est pas ma voie naturelle. Et peut-être que j’ai besoin de vivre le deuil de cette relation à ma façon. Peut-être que depuis que j’ai mis le nez depuis quelques jours dans ces outils sensés aider à l’apaisement, je n’ai fait que secouer des choses qui ne demandaient qu’à mourir tranquillement. J’ai bien repéré que quand j’essaye de forcer en n’employant pas les bonnes méthodes, ou les bons mots, ça coince, et ça se manifeste très vite. Mais en attendant, je m’amuse beaucoup à chercher comment il faut que je me parle pour que j’accepte de m’écouter.

L’écriture serait donc mon seul vrai remède ? Vais-je donc devoir t’écrire et te triturer encore pendant des semaines pour retrouver la paix ? Ce serait en fait une joie. Ce serait ma seule vengeance acceptable. Ce serait en même temps te faire beaucoup trop d’honneur. Et au fond, je n’en ai aucune envie. En revanche, vous transformer, toi, souvenir, et toi, colère… Vous utiliser à mon propre usage, pour mon propre plaisir, oui, ça, ça me dit bien. La colère… l’émotion du centre instinctif qui bloque tant chez moi. L’émotion que j’ai le plus de mal à gérer. Parce que j’y vois de l’énergie gâchée. Alors que je pourrais me faire tant de bien avec. Peinture, Qi Gong m’attendent encore. Mais d’autres choses peu à peu se débloquent et m’ouvrent à ma liberté d’action. Prochaine étape : Virer ma psy. ça va être dur. Bah oui, on s’y attache à ces petites bêtes. Mais là, non, c’est plus possible. Elle veut m’entraîner vers quelqu’un que je ne suis pas. Elle me pousse vers la normalité de son univers. Je freine des quatre pieds, tout en me laissant bercer par le côté sécurisant et rassurant de ces paroles, si douces envers moi. Si douces. Trop douces. Dark plancton est frustrée. Pour qui elle se prend cette nana pour être si gentille avec moi ? Pour me dire que je ne suis pas une affreuse méchante manipulatrice ? Merde alors. Y’a des moments où j’ai envie de ma dose de flagellation à l’ortie. C’est un souci. Parce que je me doute bien que c’est un coup de la Gamine ou du Juge. Ils font chier tous ces squatteurs. Je veux simplement fuir tous les jeux de pouvoir. Toutes les emprises et toutes les attentes que les autres peuvent avoir sur moi. (Et finir ermite, si le plan se déroule sans accroc. Ce que je n’espère pas. )

Et sinon, en vrai, je vais bien. Plancton fête son 500ème post. Et les mots clés sont « renouveau » et « liberté ». Et « va chier ».

Bonne nuit petite planète. Désolée, pardon, merci, je t’aime.

Une heure de sommeil en trop.

Je veux revoir cricri. Alors je pars dans la montagne avec mon sac au dos. Quitter le camping, avec tous ces gens. Et partir dans la montagne. C’est facile. Il suffit de longer la route, de traverser des propriétés, de couper à travers des maisons. Jusqu’au bord de la piscine qui déborde un peu et où m’attendent les trois tortues. C’est mignon une tortue, ça sourit tout le temps. Mais peut-être qu’elles sont tristes. Qui sait.
Il suffit parfois d’une heure de sommeil en trop pour basculer. Basculer dans cette réalité qui s’efface. Une journée en pointillés, où le concret cède la place aux fantômes qui se sont échappés. Une heure de sommeil en trop et ils en ont profité.
Une lutte vient de s’engager, sans que je m’y attende. La lutte des brèches ouvertes, des questions, des effondrements. Cricri. Qui es-tu ? La réponse que j’ai à apporter me terrorise.
Je voudrais t’annihiler. Tout effacer. Passer à autre chose. Et au lieu de ça, je me laisse me faire tirer par le bras, à chaque fois que je repense à toi. Les occasions ne sont pas rares, il me suffit d’entendre une conversation sur l’amour et les métamorphoses qu’il opère.
Parlez-moi d’amour et je revivrai celui que j’ai vécu.
Parlez-moi de bonheur et je replongerai dans celui que je ne connais plus.

Pourtant, j’ai fait ce qui était le mieux pour moi. J’ai jeté les pierres qui trainaient au fond du sac, j’ai enterré les souvenirs, je me suis débarrassé des enveloppes à chacune de mes mutations. J’ai cru que j’y arrivais. Mais le sac est toujours aussi lourd.
Je m’acharne à laisser le passé s’acharner. J’en laisse la trace sous mes yeux pour me plonger le nez dedans.
De l’autre côté du voile de brouillard, la réalité m’appelle. Elle me demande si je suis heureuse à me vautrer dans ces mots.
Ouvre les yeux.
Tu n’es pas maudite.
Tu mérites d’être heureuse.
Comme un chapelet de prières à soi-mêmes qu’il faut se réciter en espérant y croire. Si la foi pouvait encore exister.

J’ai quatre-vingts ans et je me baigne dans le bonheur d’antan. Dans une petite piscine, c’est mieux pour le sur-place pour laisser le temps au passé de te rattraper.
Je me sens vieille d’avoir rendu un homme heureux. D’avoir aimé, d’avoir été aimée, et d’avoir tout perdu.

Le chevreuil

Il se dit que Dieu est là. Dieu l’a protégé. Et quand par hasard, Il aurait oublié de le faire, Il a eu la décence de l’en avertir ou de lui envoyer un signe. Un signe du Destin. Sa foi est le rempart qui l’empêche de devenir inhumain. On ne peut pas avoir grandi au milieu des bombes sans avoir peur un jour de perdre ce qui nous rattache au reste de l’humanité.
Il attend des réponses, et je l’écoute parler. Voilà ce qui me rattache au reste du monde: Je refuse parfois de lever mon bouclier. A défaut de kalachnikov, j’ai développé le système de défense. Mais parfois, ce sont les autres qu’il faut essayer de protéger.
Il a peur de sa sensibilité, de sa curiosité, de ses connaissances. C’est un monde d’intellectuels auquel il n’appartient pas. La tentation du franchissement des barrières sociales qui ont grandi avec lui, dans sa tête. Une boîte de Pandore.

Un homme sensible, un homme qui regarde sa souffrance bien en face, est-il encore un homme ?

Ses questions me laissent perplexes tandis que je m’enfonce dans la distance, cette forêt clairsemée qui a l’air d’un rempart, mais qui nous laisse finalement comme un pauvre con de chevreuil, au milieu d’une clairière. Sept chasseurs t’ont déjà en ligne de mire.
Dieu que la souffrance des autres peut faire mal quand on accepte de la recevoir.

Surtout ne pas juger. Je ne connais pas son univers, et il a déjà tant d’apriori sur celui auquel il m’a associée.
Surtout ne pas lui donner de faux espoirs.
Surtout ne pas creuser inutilement sa douleur.
L’objectivité : un filin tendu entre deux falaises. Et quand l’équilibre est là, qu’on avance à petits pas, se méfier du moment où l’épuisement laisse retomber les bras.

Les femmes… Ha ! Les femmes ! S’il savait ce que je pense de cette race à poux ! 45 % sont des putes, 45 % sont des mères, et le reste a de la chance.
Forcément, je peux pas lui dire ça. Vu qu’en plus, je ne le pense qu’après trois verres de vin.

J’espère qu’il dormira cette nuit. Ce sera le remerciement qu’il tient tant à me donner.
Parce que tout cela lui appartient. Je ne veux pas être remerciée. Je ne veux pas avoir de rôle à jouer. Je ne veux pas.
Pourtant, je ne me suis pas posé de questions quand il a commencé à se confier. Je savais que j’allais devoir marcher sur le fil. Aller au milieu de la clairière.

C’était gratuit, ça doit le rester. Je refuse que quoi que ce soit de son histoire m’appartienne. J’évoque donc les mots ici afin de leur rendre leur liberté.
Il faut que je les relâche. Il faut que je lâche. Pas le droit de garder.
Bordel de merde ! Rendez-moi mon bouclier !

J’allais bien. J’allais même très bien. Et me voilà à souffrir de douleurs qui ne sont pas les miennes.
Un plancton est-il encore un plancton quand il devient humain ?
Moi aussi, j’en ai plein des questions. Je me demande si j’ai un coeur. S’il est bien dans ma poitrine et pas entre mes deux ovaires.
Je me demande si le bonheur est une cause ou bien une conséquence. Je me demande si la peur va gagner. Si mon égoïsme a des raisons d’être respecté. Si j’ai le droit d’avoir confiance. Si c’est un rêve ou une réalité…

Est-ce que le chevreuil a le temps de se sentir aussi con que moi ce soir, avant que le premier des sept fusils commence à tirer ?

détrouillage niveau 0

Entre un petit moi et un grand tout, il y a déjà les mots qui se posent là. Ils prennent leurs aises et leurs « ismes » et comblent le vide qui devrait être utilisé pour des choses beaucoup plus constructives.
Parce que j’en ai rien à cirer du féminisme, du communautarisme, du gauchisme, du syndicalisme ou de l’humanisme. On a collé des mots là où seul le signifié est vertueux.
Et pire, certains considèrent que se placer du côté d’un mot nous oppose forcément au camp du mot d’en face, ou à celui du dessus ou du dessous. Y’a des sens, des hiérarchies, des valeurs, et au bout du compte, le bien et le mal de quelqu’un qui regarde ça en riant. Bordel, quelle merde ils ont fini par mettre.
ça m’arrangerait bien de n’appartenir à aucune catégorie.
Le truc qui me gène dans les catégories, c’est qu’on y colle jamais vraiment complètement. Et que quand on colle pas au groupe, on finit par faire tâche.
Mais ne vous inquiétez pas : Vous aussi vous êtes tous des tâches. Vous n’osez simplement pas vous l’avouer. Et pourtant, il faut vous faire un peu confiance, que diable !
Je ne suis décidément pas à l’aise dans le registre des généralités. J’ai toujours peur d’oublier quelqu’un. Et la règle veut que les généralités oublient toujours quelqu’un. Vous avez remarqué que c’est souvent vous ? Bravo, vous êtes sur la bonne voie pour devenir tâche.

Quitte à choisir, faudrait qu’on choisisse tous d’être des tâches d’huile : Il n’ y a rien de plus beau que la fusion des gouttes d’huile à la surface de l’eau. On serait beaux à flotter au milieu de la planète bleue.
J’avais dix mille autres choses à écrire, mais j’ose plus. Y’a trop de choses que j’ose plus, ou que j’ai jamais osées. Le trouillisme est relativement parfait pour me caractériser. Pourtant, je fais bien comme tous les autres cons de la planète, parfois j’ose. Mais bon, faut voir aussi après où ça nous mène. Je peux pas dire que ça ait été une réussite sur tous les plans. A propos de plan, maintenant que j’ai bien plané dans ma trouille, j’essaye de redescendre sur terre. C’est pas marrant de vivre en ayant peur de crever, ou de perdre un être aimé. C’est pas très drôle d’y penser tous les jours, en tache de fond. C’est assez fatigant. Même s’il est d’une beauté à crever, avec ses rides et ses poils sur le nez. J’étais touchée. Pis j’ai coulé. Mais bon, je vous ai pas attendus pour remonter.

Y’a quelqu’un qu’il faudrait que j’invite à boire un café. Un verre avec un truc dedans. N’importe quoi. Mais mon trouillisme me bloque un peu le système central. Un peu comme à quinze ans. C’est bien la peine de se faire chier à apprendre les leçons de la vie, tiens.
Peut-être aussi que je suis un peu trouillée. C’est là où on est content de se prendre pour une tâche d’huile. ça aide à faire glisser. Pis ça fait pas de mal de croire un peu en la fusion de temps en temps.

la page grise

Une page blanche, c’est une chose. C’est vrai que ça n’a rien de facile de se retrouver au bord de ce grand vide à remplir. Il faut aller chercher l’inspiration quelque part, les mots ailleurs, l’envie, et que tous les ingrédients soient à bonne température pour que la mayonnaise monte.
Non, c’est pas facile de faire une page blanche en mayonnaise.

Mais la page grise, c’est autre chose. Celle qui est déjà toute barbouillée de toutes les mayonnaises qu’on a déjà montées.

Je lis quelques lignes, j’aime bien.
La seule façon que j’ai de savoir que c’est bien moi qui ai écrit tout ça, c’est parce que j’ai réuni tous mes textes ici. Donc, a priori, y’a pas de tâches de mayonnaise des autres. Mais tain qu’est-ce que c’est crade quand même.

Je ne sais pas ce que je cherche, mais je sens que je vais le trouver. Ce sera peut-être un oeuf ou un knacki. Mais si je me démerde bien, ça devrait ressembler à mes envies, mes inspirations, mes mots… que je n’ai encore pas réussi à attraper. Trop hauts dans le frigo.

Dépucelage.

J’avais faim. J’ai gratté le fond de la casserole. Y’avait quelques grumeaux. Des restes un peu cramés. Et puis ça m’a fait réfléchir. Non. En fait, ça a commencé bien avant ça. Le blé des pâtes brulées était encore en herbe. D’une tendresse infinie. A se laisser glisser sous le vent, dans une folie insensée, mais toujours vers l’Est.
J’aimerais t’épouser. Tu sais, comme mon corps. J’aimerais me coller au miroir, et puis fondre. Disparaître dans l’instant de l’image, devenir immortelle le temps d’un battement de cils.
Faut pas que je fasse d’enfants. Je crois que je leurs laisserais pas de place. J’en prends trop, maintenant que j’ai maigri. C’est tout le drame de ma vie, je prends trop de temps.
A peine je commence que j’ai déjà pas terminé et que ça me prendra des années avant de voir le début de ma fin.
Et j’ai tellement faim depuis que tu m’as donné à manger.
J’aimerais. J’aimerais.
Si je te désire, c’est simplement pour me nourrir.