Mirage

Je me pose plein de questions. Tout le temps. Trop souvent.
Trop tout le temps.
Je me demandais quelle était l’espérance de vie d’une illusion. Si ça pouvait être la même que celle d’un homme en train de changer sa roue avant gauche sur le bande d’arrêt d’urgence de l’autoroute. ça pourrait être aussi celle de la zébrure lumineuse qui vient de parcourir le ciel au-dessus de ma tête. Ou bien encore la même durée que chaque destinée humaine. Dans une dimension de l’illusion. Un monde parallèle. Le truc à côté duquel on vit sans s’en rendre compte.
De l’instantané à l’éternité. En passant par tous ces petits grains de temps qui nous donnent l’illusion d’aller vite, trop doucement, de prendre notre temps ou de le perdre. Les secondes, les minutes, les heures et toutes leurs grandes soeurs.

D’illusions en impressions. D’espérances en sensations. Sentiments. Tous ces trucs-là.

Me font chier grave tous ces trucs-là, si vous saviez.

Je suis en train de faire ma liste de préparatifs pour une autonomie maximale en solitaire dans mon désert.
Non. J’ai écrit « désert » rien que pour le plaisir de la rime. De la dramaturgie qui coute pas cher. Du pathos, comme ça, là, gratuit.
Juste parce que.
En fait, c’est « vacances » le bon terme.
J’ai passé le week-end à marcher, faire du kayak, avec deux amis. Je me suis préparée en même temps à vivre chaque intant seule. Quoique, marcher seule, ça, je sais déjà très bien faire. Monter et démonter ma tente seule, je sais faire aussi. Conduire pendant des heures, pareil. Vivre, manger, dormir, pareil.
Chercher un nouveau taf, là, j’ai besoin de tonnes de motivation. Je m’en sortirai. Quoi qu’il advienne. Mais le taf, j’aurai tout le temps d’y songer et de me préparer à l’affrontement. Si j’arrive à faire de ces vacances une rencontre avec la vie, alors je serai déjà sur la bonne voie.
« La rencontre, quelle qu’elle soit, quoiqu’elle advienne, modifie toujours quelque chose en nous ». Je n’ai pas oublié. Je pense à toi, souvent. Même si.

Je m’apprête à rencontrer mes vacances de la façon qui me conviendra le mieux. En putain de fille renfermée qui emmerde le monde alors qu’elle voudrait le prendre dans ses bras et lui dire je t’aime, mais elle sait plus faire ça.
Faut le re-rencontrer le monde, je crois.
Faut que je me re-rencontre aussi.
Entrecouper des journées de désert avec des retrouvailles d’amis qui seront sur mon chemin. Non… Des amis sur lesquels je ferai passer mon chemin. Parce que merde, y’a quand même des gens que j’aime sur cette foutue petite planète.
(Oui, je sais ce que tu vas dire monsieur… Et ce soir, je gueule sur qui je veux d’abord. Voilà tout)

Si je me re-rencontrais ? Il n’y a qu’au milieu de rien que je ne me sente pas seule. Je vais pousser la métaphore et la transformer en allégorie. Je vais même pousser le vice jusqu’à la vivre.

Mon chat est étendu sur le bureau. L’instant d’une minute, je me prends pour Docteur Gang. L’instant d’une minute, je me donne le temps de regarder en souriant une illusion débile. Je suis la méchante de la vie. Je suis celle qui se barre à la fin et qui emmerde le monde. « Mes chers parents, je pars… je vous aime mais je pars. » De mes vacances à l’Inspecteur Gadget, du désert à une chanson sur le suicide.
Dans ma tête, dans mes mots, il n’y a jamais qu’un pas.
Dans la vie, il y a des gouffres et des canyons. « C’est comme ça, c’est la vie ». C’est ce qu’on dit pour être sûr d’avoir raison d’avoir peur.

Je les franchirai. Tous. Les pas. Les canyons et les gouffres. Les mots de travers, les passages cloutés en gants de cuir, les voies trop rapides, les autoroutes anonymes.

Les illusions ne durent que le temps que nous leur laissons.
J’aime la vie, je suis le docteur Gang et je vous emmerde.
Ne rayez pas les mentions inutiles, vous allez faire des marques sur votre écran.

8 réflexions sur “Mirage

  1. Matman dit :

    J’aime bien ce texte! Trop cool.

  2. Largentula dit :

    j’aime ce texte aussi, mais par trop de passage il me fait penser à moi… sauf que je suis pas une fille et que je n’ai pas de chat pour jouer les mister gangs… quand je pense qu’on jamais vu sa tête!

  3. C’est un très chouette texte. Un peu abstrait, un peu étrange… et puis très sincère aussi je pense. C’est un très joli texte. A+

  4. anna dit :

    merci pour ce texte blandine.

  5. ana dit :

    Je te souhaite soncèrement de te re-rencontrer 🙂

  6. maxy_vince dit :

    Pinaises, ça part pas. Pourquoi j’ai rayé avec un marqueur indélébile. Pourquoi ? Pourquoiiiiiiiii?

  7. bibasse dit :

    Bonne vacance, pleine de ressourcement.

  8. Plancton dit :

    Whaou… Grand merci tout le monde… ça fait plaisir de voir autant de monde ici.
    Largentula : Le truc tu sais, c’est que je crois qu’on a tous des bouts d’humain en nous qui font qu’on se ressemble tous un peu 🙂 Mais ce n’est pas la première fois que l’on me dit cela… Un des plus chouettes commentaires que l’on m’ait fait, c’était de bouche à oreille, et ça disait en gros : « Tu sais, tes textes, en général, j’y comprends rien, mais j’y vois plein de choses qui me touchent ». Autant de dire que cela me fait plaisir. Que chacun puisse y trouver ce qu’il souhaite.
    Brad, de la sincérité, j’essaie d’en mettre de partout sous mes pas 😉
    Anna… Je sais pourquoi tu me dis merci… Et merci à toi d’être près de moi.
    Poussinet ! Je te l’avais dit pourtant de pas faire la bêtise ! T’en fais un chouette toi, d’indélébile :p (attention, ceci peut aussi être interprété comme un compliment).
    Matman, Ana, Bibasse, merci beaucoup !

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