Erreur.

… Non, j’ai fait pire que traîner devant les yaourts.
Je suis passée par le rayon lingerie pour aller du pain aux légumes.
Fatale erreur.
Mes yeux ont bloqué sur le délicat contraste crème sur blanc finement ciselé. J’ai rien pu faire.
Et j’ai *encore* craqué.
Encore pour un magnifique ensemble en dentelle aérienne que je serai obligée de laver à la main.

Mais bon sang ce que c’est con une fille.

Peur.

« – Je crois profondément, sincèrement, définitivement, à la cruauté naturelle de l’être humain. Je crois que la sympathie, l’amitié, l’affection, l’amour ne sont que des réactions de défense, qui nous font désespérément rechercher un soutien, une protection contre nous-mêmes et contre les autres. Et je crois que les enfants, parce qu’ils sont plus près de l’état de nature, sont donc incomparablement plus aptes à la cruauté. D’où le nécessaire dressage que la société […] leur fait subir.
– Et hitler était un enfant, dit Jimbo en souriant. […]
– Quel dressage est efficace à cent pour cent ? On ne se méfie jamais assez de ce qui reste en nous de notre enfance. »

La Nuit des enfants rois, Bernard Lenteric.

Oui, je sais, ça date pas d’aujourd’hui. Je retarde de 25 ans environ, mais qu’importe. Un excellent petit roman policier particulièrement vif dans sa construction et du coup, passionnant. (Et si vous voulez un résumé…)
L’idée que j’ai mise en avant ici n’est pas d’une grande originalité, je vous l’accorde. Et je pourrais me la discuter en tête à tête pendant un bout de temps parce que je ne suis pas franchement d’accord avec tous les jours.
Lequel de la poule ou de l’oeuf est le plus susceptible d’être pourri, on se pose la question depuis pas mal de siècles. Enfin, pas en ces termes-là sans doute.
(Pensez simplement à nettoyer régulièrement votre frigo si vous voulez vraiment tenter l’expérience, c’est tout.)

Mais bon, comme les pensées sombres aiment bien se tenir chaud deux par deux, j’ai trouvé que ça collait bien avec ce qui m’a fait chialer ce matin devant mon écran. Vous comprendrez mieux après avoir lu les textes admirables Lundi (1), (2), (3), (4) et (5) que kwyxz nous a offerts ces derniers jours.

Vous savez, quand on est gosse, on aime bien se faire des trouilles, se raconter des trucs affreux. Genre, bon sang, en fait, mes parents vont pas rentrer ce soir, ils vont mourir dans un terrible accident de voiture. On pleure un bon coup et puis zou la bonne trouille, ça, c’est dit, maintenant on peut faire un gros dodo et puis maman et papa sont bien là au petit déj’ le lendemain matin.

Un peu plus tard, on aime bien croire que ça marche, que se raconter des trucs affreux et se foutre la trouille va permettre d’éloigner les horreurs qui nous tournent autour. Conjurer le mauvais sort, en quelque sorte. On se plonge dans la science fiction… Parce qu’on se dit que bouh, c’est vraiment horrible tout ça, ça n’arrivera jamais maintenant que je suis au courant. Maintenant que le Monde est au courant. Personne ne laissera se produire ça.

Et puis encore un peu plus tard, quand on réalise ce que le mot Histoire cache derrière le bouquin chiant et les lunettes graisseuses du prof, quand on comprend que l’Homme dans l’Histoire c’est un peu comme l’hydrogène dans l’oxygène, quand le World Trade Center s’effondre en boucle sous nos yeux, on se dit que merde alors, l’Homme réussit toujours à trouver des trucs qui iront encore plus loin dans l’horreur. Même le meilleur marabout du 18ème à Paris n’arriverait pas à conjurer tous les sorts que l’Homme prépare dans les recoins les plus sombres de sa caboche, c’est pour dire. Et pas besoin de faire appel aux marsiens, les terriens arrivent très bien à se surpasser tout seul. D’ailleurs, y’a plus de chances que ce soit l’Homme qui vienne envahir Mars que les marsiens la Terre hein. Alors, je serais marsienne, ben je serrerais les fesses en lisant le H.G. Wells local, moi.

Enfin bref, j’en plaisante. Mais voilà. Je suis une grande fille aujourd’hui, je sais que la science-fiction impossible, ça n’existe pas ; que, idées comme actions, tout est capable de sortir du cerveau humain parce que l’Homme, il est super intelligent et il en est convaincu ; que les postulats improbables, l’Homme peut toujours se démerder pour les rendre un peu plus tangibles. Possibles au mieux. Inéluctables au pire.

Je sais que Croire, c’est chercher à conjurer le sort comme un enfant ; qu’on espère conjurer en ne faisant que se rassurer ; qu’on se rassure alors qu’on ferme juste les yeux pour amoindrir l’ombre des problèmes.

Je sais aussi que je vais aller faire mes courses ce soir au supermarché, que je vais passer du temps devant le rayon des yaourts et que je vais essayer de penser à autre chose ce soir en m’endormant parce que je ne suis plus aussi douée comme marabout que quand j’étais enfant.

Naïveté

Ce qui me reste de naïveté, je voudrais en prendre soin.
N’entaillez pas mes pupilles s’il vous plaît. N’abîmez pas ce bout de chiffon caché au fond de mon coffre à jouets. Ne brûlez pas les peluches et les morts qui me hantent encore ou qui le feront. N’effacez pas ces mots sur le tableau. Ne passez pas l’éponge sur mes rêves qui sans doute ne verront jamais le jour. Ne chassez pas les odeurs de vieux livres et de tartes aux pommes. Ne me retenez pas au sol quand je regarde les nuages ou le passé. Ne me fermez pas la porte au nez quand la lumière de l’avenir semble enfin m’apaiser.
Ne m’effrayez pas. Ne me faites pas fuir. S’il vous plaît.
J’aimerais encore grandir dans mon cocon qui flotte au milieu des acides.
Je voudrais pouvoir me protéger de vous. Me cacher encore un peu sous les couvertures. Me sentir au chaud. Me dire que tout ira bien.
Juste me permettre de rêver encore un peu, les pieds sur terre et la tête loin là-haut.
On cesse d’être naïf le jour où l’on a conscience de l’être. Cela fait longtemps, maintenant.
Permettez-moi encore un peu de fermer les yeux sur ce qui gène et qui dérange. Rangeons nos armes et regardons-nous. Juste comme ça. Nus. Sans les apparats de ceux qui ont quelque chose à cacher.
Je veux juste vivre en paix avec moi-même.
Continuer à aimer.
Mon plus grand rêve d’enfant, c’est de ne jamais oublier.

La psychopathe de la tente verte au fond du terrain.

Peu manger fait maigrir. Un truc de ouf, hein ?
Surtout quand tu glandes sous un pin en regardant les branquinioles en sandalettes sur l’autoroute à touristes véhiculés sur leurs ânes qui monte vers le Cirque de Gavarnie.
Heu non, spas ça.
Surtout quand tu marches (partout ailleurs que sur les sentiers ). Et que tu te nourris, le soir, de vermicelles à l’eau arôme poulet de Tchernobyl (Queunor) avec du pain qui flotte dedans.
C’est bien les soupes déshydratées. Pas besoin de te faire chier à aller faire ta vaisselle avec les gens bizarres réunis dans le local à vaisselle et qui se sentent obligés de faire la conversation avec leur voisin d’évier. Pas besoin de faire semblant de vouloir te sociabiliser. Tu verses un peu d’eau dans ton quart, tu fais tourner et c’est tout propre pour les céréales au lait en poudre du lendemain matin. Que tu nettoieras de la même façon d’ailleurs en te dépêchant avant que les pétales de maïs transgéniques (Kékélogs) sèchent sur les rebords.

Bon, faut assumer après hein. Parce que la bonne femme dans le mobilhome d’en face avec son mari et ses deux gosses et son chien qui s’emmerde(nt) au bout d’une laisse te regardent parfois de travers. Forcément, tu n’as pas le matériel requis pour te noyer dans la masse du campeur überhype. Tu as fait l’impasse sur la petite chaise et la petite table pliantes adéquates et de ce fait, tu as le cul par terre devant ta tente verte sur ton plaid écossais poussièreux. Ils ont mis de la pelouse moquette devant les mobilhomes et les petits chalets, mais ils ont oublié d’en mettre à l’emplacement des tentes. Parce que les gars dans les tentes, ils en ont pas besoin, ils ont moins de sous à claquer que les autres. Alors on les mets dans la terre, les campeurs pauvres. La sociologie et la politique des campings, ça me passionne de plus en plus. Sans doute pour ça que j’aime tant y passer mes vacances.

Mais bon bref, j’assume, pas de problème. Même que ça me fait rire. Un peu comme ça me fait marrer d’arborer mes belles marques de bronzage chaussettes sur la terrasse d’un café de plage. Paraît que ça fait décalé, je crois. J’adore.

Bon, je vais pas vous raconter toutes mes vacances et mes conversations avec mes voisines de tente (les fourmis bien sûr, très sympas d’ailleurs, même si elles m’ont un peu vexée en refusant les miettes de pain séché que je leur offrais de bon coeur en espérant les décourager de vouloir s’attaquer à mon sac poubelle).
ça risquerait d’être passionnant et de m’attirer des lecteurs drôles psychopathes.

Mais revenons à nos moutons. Qui n’en sont pas, d’ailleurs. Mais c’est une expression. Comme « occupe-toi de tes oignons ». Enfin bref.
Parlons de ceinture. Non, rien de sexuel. (Evitons le sujet, je vais pleurer sur ce qui aura manqué le plus à mes vacances. Un truc horrible. Jamais je m’en remettrai. Je vais finir none. Vous voyez ? Je verse déjà ma larme, c’est malin ça hein. je vous avais dit d’éviter le sujet. Quelle bande de lourds alors. Pff.)
Un cran en moins encore à ma ceinture, donc. Puisque j’ai maigri.

Et tout ça pour vous dire que ça fait super bizarre quand je regarde mes pieds en marchant parce que j’ai l’impression d’avoir des plus grandes jambes qu’avant alors que pas du tout. Manger peu fait maigrir mais ne fait pas gagner de centimètres aux jambes. ça doit bien être scientifiquement prouvé quelque part.

Bon, j’arrête de parler comme une fille qui mange dans la terre pour le plaisir et je repasse la parole aux fourmis.

« Mais comment c’est trop bon le miel séché qui colle au fond des sacs ! Hey les copines !! Faites gaffe !! Y’a l’autre malade qui nous balance encore des miettes de pain sec !! Té, elle est chiée hein, elle va nous boucher l’entrée de la barraque avec ses conneries. Ha non, j’y crois pas… V’la qu’elle nous jette des bouts de champignons élévés en usines Queunor. Non mais elle nous prend pour qui cette conne ? Déjà qu’on lui nettoie ses sacs poubelle alors faudrait pas abuser.  »

Je crois que je vais retourner bosser.

Mes Tois

Y’a un coquin petit lutin qui m’oblige à faire plein de bêtises. Il arrive, il me prend par la main et il me dit Viens ! Et je le suis.
Y’a un ogre qui mange les bonheurs en les faisant disparaître derrière l’ombre qui court sur les cadrans solaires de la Terre. Et jamais il ne sera mis en prison. Parce que tout ça, c’est dans l’Ordre des Choses, ce grand bouquin dans lequel rien n’est écrit et que je vous conseille, d’ailleurs.
Y’a comme une douleur qui me ronge depuis que j’ai franchi le panneau « Région Centre » sur l’autoroute qui m’a ramenée des vacances.
C’est pas chez moi, ici. C’est pourtant là que je vis. Mais bon, c’est mon problème ça, pas celui du lutin.

J’aurais pu m’empêcher de tout gâcher. J’aurais pu essayer.
A la place, j’apprends à me résigner.
Me résumer.
Me résoudre.
Me réveiller.
Me relever.
Me retracer.
Me me me me…
Mais jamais MOI n’a de valeur en soi.
Lutin pas très confiant.

Je les aime tant ces gens qui sont là pas très loin, pas très près, de moi. Ils m’ont offert des tas de choses. Les sourires m’ont toujours mieux nourrie que tout ce qui peut aller dans mon ventre. Le petit lutin est en train de tout mélanger. Aucune importance. Je le comprends. Tu étais là, tu étais là…et j’ai rêvé de toi. Je n’ai pu que rêver de toi. Pauvre petit lutin. Puni. Ça t’apprendra.

J’ai rêvé de toi, j’ai pensé à toi, j’ai aimé te rencontrer, j’ai espéré te revoir, j’espère te croiser, j’attends de toi (et tu la vois venir ton erreur déjà ?), je… et toi.
Te te te te …
Mais jamais TOI n’est le même.
Lutin pas très stable.
Trop de TOIS dans la tête.

J’espère que le lutin n’est pas blessé. A force de le laisser gambader en pleine nuit dans la lumière des phares de lune et des feux qui follettent, l’abandonner à son gré et ses coups de tête. Il doit apprendre à attendre sagement son tour. Difficile d’éduquer un lutin.

L’ogre a volé mon temps et le sablier est renversé dans ma tête.
Chaotique.

(le lutin se roule en boule. J’ai froid. Je n’attends rien de toi. Mais je t’attends, toi.)