Rêve #1. Une question de choix.

Rêve totalement chaotique. Des bouts de réalité tout mélangés.

Autour d’une grande table en bois rectangulaire. Moi d’un côté. De l’autre, lui. Et elle.
Ses doutes à lui, ses questions passives. Passives parce que centrées sur lui. Sans regarder autour de lui. Excentré à force d’être concentré.
Ses minauderies à elle, son regard provocant à mon égard. Ses caresses sur lui, sa joue contre la sienne, sa main, active.
Mon envie, à moi, de jeter le contenu d’une bouteille de vin sur sa face, à elle. La rage, stérile et fuyante. Je me lève, longe la table vers la gauche. Je regarde maintenant la scène de loin. Loin. De toute une grande table de bois. En diagonale.

Je me suis vue pourtant, contourner cette table, par la droite, pour venir verser la bouteille sur ses cheveux, à elle. Me venger. Puérilement. Je me suis imaginée, dans ce rêve.
Et c’est le scénario de la fuite que j’ai suivi.
Ma question est « pourquoi ? ».
Depuis mes six ou sept ans, je connais la rage de sentir le liquide glacé se répandre du sommet du crâne jusqu’au fond de la robe, le long du dos, du ventre. La surprise, mêlée d’impuissance, ce désarroi de l’ « aqua bon » (hum.) lorsque l’on sait que l’adversaire saura, de toute manière, toujours être plus fort, dès qu’il s’agit de réagir par la violence et les actes, plutôt que par les paroles. Mon adversaire d’alors n’était pourtant haut que comme trois pommes. Mais je ne dépassais moi-même pas les deux. Et il avait, pour lui, un appendice entre les jambes. Et quand un être humain se retrouve avec ce truc en couronne au-dessus de ses deux gonades, il faut se dire qu’il ne connaîtra jamais aucune limite dans la violence et dans la montée vers les derniers retranchements de la force des corps. Un jeu ne trouve pas sa fin, jamais, tant que cet être n’aura pas prouvé au monde entier, ou aux autres nains de l’assemblée, que c’est lui qui a bien la plus grosse couronne sous le nombril.
Plus tard, les combats face à mon frère, tous marqués dans mon souvenir par l’amertume de mes échecs, m’ont confortée dans mon opinion sur la race des couronnés. La dernière montée en chute libre fut celle qui s’est conclue par une fourchette plantée dans les doigts de ma soeur, et mon envie, jamais consommée, jamais complètement étouffée, de faire subir le même sort à l’auteur de cette démonstration inutile de puissance (même adjectif).

Jeter cette bouteille à la face de cette fille, aussi jouissif sur l’instant que je puisse l’imaginer, devait ainsi rester un fantasme. Ce ne sont pas mes vraies armes. Ce ne sont pas des combats de cette sorte que je désire mener. Ceux-ci sont réservés à ceux qui ont une fierté dégoulinante à afficher, en trophée, au fond de la poche de leur jean trop serré.

Ai-je réellement fui ? Ai-je vraiment ressenti l’échec cuisant de l’impuissance ? Alors que nous étions, au fond, toutes les deux à égalité, l’une face à l’autre… Toujours cette peur d’être la plus faible, la plus effrayable, la plus fragile… Il ne faudrait pas non plus que je prenne la facheuse habitude de me conforter dans le rôle de celle qui refuse les combats, par peur de ne jamais sortir victorieuse.

Cesse donc là les questions. De toute façon, il y avait un homme absent dans l’histoire. Et si combat il y aurait du avoir, cela n’aurait pu être possible qu’à trois effectivement présents, en corps, en âme, en pouvoir de choix.

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