On est encore jeunes, profitons-en. Autour de nos morts, il reste des centaines de vivants. Profitons-en.
Il y a encore des amis pour porter le cerceuil en terre. Des enfants pour réveiller un sourire endeuillé.
Des couples que l’on a connu balbutiants, aujourd’hui épanouis, ou parfois vascillants.
Des fêtes improvisées, deux jours durant, en l’honneur de celui qui a ommis d’être présent, cette fois.
Je retrouve ces gens, comme ressortis d’un coffre à jouets, qui reparaissent avec ce poids de trois années.
Des cheveux gris, souvent. Des alliances qui brillent à l’annulaire de quelques uns.
Des cous empatés et parfois dix kilos par année oubliée.
Un mariage en particulier, auquel j’aurais pensé assister.
Mais je n’ai pas gagné mes chevrons d’être humain indépendant
A leurs yeux, je suis restée l’ex de leur pote.
Quelques regards suffisent à confirmer la douce hypocrisie polie.
J’aurais du t’appeler, c’est de ma faute, gnagnagna.
Non mon bonhomme, c’est juste la vie.
Il faut parfois un mort pour revoir les vivants.
Il faut parfois un mort pour faire une croix sur certains revenants.
Deux jours en sa mémoire.
« Merci pour ton message ». Un peu de lueur dans un regard, enfin !
Deux jours totalement improvisés, rien prévu pour rester.
La fraîcheur de l’amitié qui sort de terre, cette odeur d’herbe.
Fraîchement coupée. Ou pas.
Planer entre mes yeux et mon cerveau.
La puanteur de l’homme qui m’imagine acquise un jour, acquise toujours,
et qui tente la chance de nouveau.
L’intolérable regard de lubricité qui m’écoeure tant.
Et cette admiration pour un couple aux frontières du politiquement acceptable.
De l’amour, enfin. De la rage et un combat qui ne s’arrête pas.
Je ne sortirai pas indemne de mes reflexions.
Ni des années passées.
Mon bonheur ne ressemblera sans doute pas à celui qu’on a imaginé pour moi.
Et je t’efface, encore un peu plus, aujourd’hui,
Après vous avoir, vous aussi, oubliés deux jours durant.