Il a mené sa vie au front
Dans une guerre qu’on se refuse à imaginer perdue d’avance.
Il a donné ce qu’il a pu de lui,
De son coeur, de sa tête,
Dans des combats sans merci
Qui l’ont laissé sur le dos.
Il a appris, il a compris,
Les leçons intolérables que l’on ne s’imagine pas devoir comprendre
Quand on a vingt ans et que tout ce que l’on voudrait apprendre
C’est que donner le meilleur de soi est la clé de la vie.
Il a usé son coeur sur tous les tons de rouge à lèvres
Il a usé sa queue face à des yeux bleus, des yeux verts,
Des regards noirs et des étincelles marrons,
La seule couleur qui ait tenu le coup
Est celle de son regard chaque matin dans le miroir.
Il continue d’essayer de sortir de sa tranchée,
De vaincre l’équilibre auquel on finit toujours par s’habituer.
On s’habitue à tout.
Même quand on se regarde avec nos yeux de vingt ans,
Et qu’on n’arrive même plus à s’apercevoir tellement on est flou.
Tellement on se juge parfois insignifiant.
On le croise, sans jamais trop lui poser de questions.
On s’attendrit au détour d’un sourire,
Le sourire d’un visage lumineux s’il n’était pas éclairé d’un soleil noir.
On le regarde en s’imaginant l’aimer, pour tout ce qu’il est,
et qu’il n’a pas pu garder. Pour tout ce qu’il a pu donner,
et qu’il a perdu en route.
Le soleil noir éclaire la tranchée où le seul combat à mener
Est celui d’un homme seul.
Les adversaires en face sont partis depuis longtemps.
Derrière l’homme blessé reste le valeureux combattant,
Une ombre debout contre le mur de terre.
On aimerait pouvoir l’aimer, on aimerait pouvoir l’éclairer autrement.
On aimerait, on pourrait aimer.
Ce serait simple, sans ce grand panneau rouge et blanc.
Interdiction d’aimer sous peine d’effondrement.