Le téléphone.

Dans ces moments-là, tu as le choix entre monter à l’étage chercher ton téléphone pour appeler les pompiers ou bien rester sagement en bas, t’étendre sur le carrelage glacé et attendre que la pression sanguine redevienne normale, que les sifflements dans les oreilles diminuent. Elle finit toujours par se stabiliser. Et tu finis toujours par te relever, sans avoir besoin de ton téléphone pour assurer ta survie.

Sur le carrelage glacé, quand tu te sens crever de frissons, le ventre plié en deux sans comprendre pourquoi, tu penses pas forcément aux pompiers ni à leur aide, tu penses d’abord à ce petit luxe superflu de tout ce que tu aimerais donner. Encore une fois.

C’est peut-être ça, le célibat. C’est peut-être ça aussi, l’isolement, le prix de la fuite loin des tiens, loin de tous ceux que tu aimes. C’est cette distance infranchissable qui existe dans ces moments-là, où tu essayes de calmer ton sang au contact du sol. Ces instants où tu te vois crever tout seul. Ces quelques secondes interminables où le seul lien qui te relie au monde, c’est ton téléphone. Les mots ne te viennent pas, tu ne saurais même pas quoi dire. Allo, je vais pas très bien là. Je crois que je suis en train de faire un malaise, mais t’inquiète pas, ça va passer, ça passe tout le temps…
Non, ça se fait pas de réveiller les gens comme ça.

Et puis les secondes finissent par se terminer. Tu te relèves doucement, tu survis, tout seul. Maintenant, tu as la force de remonter l’escalier, rejoindre ton téléphone, ton lit, alors tu en profites.Tu te marres un peu de t’être fait si peur, une fois de plus. Ce n’est pas cette fois que tu appelleras les pompiers. Et ce n’est pas non plus cette fois que tu te feras détester au hasard de ton répertoire téléphonique.

Mais ce n’est pas non plus cette fois que tu appelleras ceux à qui, dans ces moments-là, tu aimerais vraiment parler, même pour dire n’importe quoi, et juste entendre le son de leur voix.

3 réflexions sur “Le téléphone.

  1. F dit :

    Quelle belle plume !

  2. Plancton dit :

    La plume, du haut de ses dix kilos de trop, te remercie bien. Mon cher F.

    F, G, H. Faudrait que vous me fassiez un jour une jolie brochette de commentaires alphabétiquement classés, ça me ferait drôlement plaisir.
    Et pis faut que j’arrête le myolastan vite moi, ça me rend toute molle du sentiment.

  3. sage dit :

    C’est vrai, c’est pas non plus dans ces cas-là qu’on appelle… et oui, c’est aussi dû au célibat/je vis seu(e)/j’me démerde…
    hélas, on perd cette aptitude à survivre quand on est deux. Oui, j’ai dis hélas.

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