Hallucinations auditives et kinesthésiques au coucher. Les rochers, les pierres qui faisaient un raffut du tonnerre. Des sons de cloche. Et puis comme un chat qui saute sur le lit, léger, deux petits bruissements de couette, juste derrière mes genoux.
Nuit extrêmement productive : J’ai démantelé un trafic de cocaïne, j’ai été poursuivie par des gens, pas vraiment méchants, qu’il fallait aussi que je sauve quand même… Il y avait la Mazda bordeaux. Ariane. J’ai traversé des bouts de mer en passant d’hélicoptère en hélicoptère. Sur les derniers instants, j’ai balancé de la dynamite partout dans un camp, rempli de gens invisibles et de tentes vertes et noires, j’en ai collé un bâton sur le capot de la voiture qui me poursuivait. Faut bouger maintenant, faut pas rester derrière moi. Tout était écrit dans les regards.

J’ai couru. Nous étions deux. Tout allait sauter. Et je me suis retrouvée coincée par mon cul qui ne passait plus dans un resserrement de mur.

Ouais, allez, ok, c’est bon maintenant, arrête tes conneries. Réveille-toi.

# Vie nocturne

Pas là.

Depuis deux jours, je ne suis pas vraiment là. Je suis il y a un an.

J’essaye de ne pas me laisser entraîner. Mais je ne parviens pas à m’empêcher d’y penser. Alors je fais de mon mieux pour accompagner mes pensées de deuil.

J’effectue mon pèlerinage, pour éviter à ma mémoire de le faire sans moi.

J’entends les voix. J’entends les émotions. J’écoute mon silence qui grouille. La fatigue, intense.

Ce soir, c’est l’anniversaire de mon monde qui s’est écroulé. Et je suis heureuse de voir que je m’en suis sortie, que je suis ici et maintenant.

Entière : Corps, coeur, couleurs et ombres.

Il y a un an, vers midi.

Il y a un an, vers vingt-trois heures.

Il y a un an, vers deux heures du matin.

L’impact. Le corps qui s’ouvre en deux et se déchire. L’envie d’hurler et de m’enfoncer dans la terre comme une torpille, d’exploser en milliards de bouts de chair. L’envie de laisser éclater la rage. L’urgence de la fureur.

La symbolique de l’année qui tourne, l’anniversaire.

L’année qui change. L’année qui a tout changé.

La première année d’une nouvelle vie qui commence.

L’impression d’avoir accouché de moi en mourant sous le sourire distordu et le regard froid d’un inconnu qui accompagnait ma vie depuis un an.

Cette nuit, aujourd’hui, à deux heures, la nouvelle-née que je suis dormira.

Merci à toi pour la douleur salvatrice. Merci à toi de m’avoir permis d’ouvrir les yeux sur mes illusions. Merci à moi de m’être libérée.

Il y a un an, dans trente-six heures, je choisirai de m’aimer et de me respecter.

Chaque jour depuis, je renouvelle ces voeux, aussi bien que je le peux.

Chaque jour à présent, dans un jour, dans une semaine, dans un mois, dans un an, dans dix ans, je saurai à qui je me dois de rester fidèle.

Comme tout ceci est dérisoire. Comme le monde des émotions ne connaît pas les proportions. Comme les sentiments et les liens échappent à tout contrôle.

Tu existes et je t’aime. Je l’accepte.

J’existe et je m’aime. Je dis oui, je le veux.