Ils ont commencé la soirée en rappelant une des valeurs fondamentales de l’univers polyamoureux, je dirais même une des valeurs fondamentales de toute relation inter- personnelle saine : Le consentement. Et tu étais là, à quelques pas de moi. Le Fantôme du passé. Qu’est-ce que tu faisais là ? Qu’est-ce que tu venais chercher ? Peu importe.
Les images des derniers instants que j’ai vécus à tes côtés en te considérant encore comme un « ami » me sont revenues en pleine face. Ces instants où je me suis retrouvée dans cette chambre, en pleurant et en tremblant comme une feuille quand une fois de trop, tu as sorti ta bite. Une fois de trop tu t’es frotté contre moi. Cette fois où je disais non. Arrête. Cette fois où tu ne pouvais pas m’entendre, tu ne pouvais pas m’écouter parce que ta bite était plus importante que moi, que mon état, que ce que je ressentais.
Et j’ai enfin pu te demander les yeux dans les yeux la seule chose que j’espérais de ta part : Des excuses. Des vraies. Seulement dans mon univers, des excuses, ça doit sentir l’excuse, ça doit avoir le goût d’excuse, ça doit se lire, se toucher, s’entendre excuse. ça doit respirer l’excuse. Et pour ça, il faut avoir un centre émotionnel en état de marche. Mais tu fais partie de ces quelques personnes que j’ai croisées dans ma vie pour lesquelles ressentir des émotions, accepter de laisser surgir des émotions est un danger. Alors « Tu mets ton masque ». Tu fais la seule chose qui te permette de survivre : tu te protèges de tes émotions.
Tu as prononcé des excuses. J’ai, malgré tout, été émue de les entendre. Je sais que je ne recevrai jamais les excuses que j’attends. Et qu’il ne me sert plus à rien de les attendre parce qu’elles ne viendront jamais. Jamais les deux personnes sur cette terre dont j’attends les excuses ne sauront m’apporter les mots sincères, honnêtes, ressentis, purs et vrais qui me sont nécessaires pour pardonner les actes et les mots qui m’ont blessée au plus profond de ma chair. Ma seule porte de sortie pour pardonner à la vie est de lâcher prise. Et je te remercie de m’avoir confirmé inconsciemment ce que je savais au plus profond de moi. Notre relation était toxique. Et elle ne peut pas exister autrement.
J’ai pris ton visage entre mes mains, une dernière fois. Je t’ai serré contre moi, une dernière fois. C’était pour te dire Adieu, Fantôme. C’était pour te dire enfin ce que je veux, et non ce que je ne veux pas : Je veux tourner la page. Quand j’ai prononcé ces mots, je ne sais pas si tu as entendu que ça voulait dire Adieu.
Tu as peut-être entendu autre chose : la possibilité d’un contact physique. L’ivresse de notre contact physique. Qu’est-ce qu’on baisait bien ! On ne s’arrêtait jamais ! Qu’est-ce que c’était bon ! Est-ce donc tout ce que tu as retenu des années que nous avons vécues ? Tu as cherché à retrouver cette ivresse, tu as passé ta main sous mon manteau, sur mes hanches. Je t’ai repoussé. « Ceci est mon corps. » Tu as rigolé. « Oh ! Mais voyons, ce n’est que ma main sur tes hanches ! Après tout ce qu’on a fait toi et moi… » Tu as voulu me reprendre dans tes bras. Tu as cherché à rouvrir cette faille qui te semblait ouverte. Tu as cherché à te coller à moi. Je t’ai repoussé.
Quand tu as fini par comprendre que je te repoussais vraiment, tu as sorti l’artillerie lourde. Bien sûr avec beaucoup de ménagement. « je ne veux pas t’accuser de quoi que ce soit ». Tiens. Je sens que je vais être accusée de quelque chose…
« Qu’est-ce qui fait que tu te sois rendue … éjectable ? ». Ta question n’était pas claire. J’aurais dû te pousser à la reformuler pour te laisser aller tout seul au bout de ton raisonnement faussé. Mais j’ai commis l’erreur d’interpréter. Parce que j’ai beau, au final, t’avoir éjecté, quoi que tu en dises, je sais que je ne m’en suis pas moins rendue éjectable.
Et là, tu as employé un stratagème typique : Je t’ai confié des choses, j’ai été honnête avec toi, je t’ai parlé avec la même honnêteté que j’essaye d’avoir avec moi-même, et je t’ai donc répondu par l’évidence d’une de mes faiblesses. Ma faiblesse de me faire toute petite, de ne pas prendre de place. Ma faiblesse de rester l’enfant sage et docile qui se contente de rester dans son petit lit et de ne surtout pas en bouger, de ne surtout pas vivre.
Et tu l’as retournée contre moi. Dans ta bouche, j’étais coupable de m’être faite toute petite. J’étais coupable de réaliser tout cela à presque 40 ans. J’étais coupable.
Je suis sortie. Tu es venu t’excuser. Suite logique du stratagème typique. On fait du mal, on en fout plein la gueule pour oublier qui joue le mauvais rôle dans l’histoire, et pour essayer de se délester de la faute sur l’autre, la victime consentante parfaite, le petit être fragile tellement honnête et tellement plein d’amour et tellement manipulable. Et puis on s’excuse. Je prends des boutons à chaque fois que j’entends « Je m’excuse ». Des mots auxquels j’ai simplement envie de répondre : Auto-excuse-toi si tu veux.
Tu m’as fait penser à ces deux fois où l’Autre m’a sorti des choses atroces, dévalorisantes, humiliantes et où, se rendant compte à la fois de l’impact que ça avait sur moi et de ma lucidité, il m’a dit « Je ne sais pas pourquoi j’ai dit ça… »
Aujourd’hui, je sais pourquoi. Et je pourrais lui fournir la réponse complète et détaillée s’il avait les couilles de venir me la demander. Ce qui n’est pas le cas.
La différence aujourd’hui est que j’ai la ferme intention de ne plus entrer dans ce jeu. Et que je ne suis plus dupe de ce qui se joue en moi. Ma faiblesse est ma plus grande force. A force d’aller creuser dans mes failles, j’ai fini par en toucher le fond. Et je commence sérieusement à remplir le tout d’amour, d’affection, de bienveillance, de confiance envers moi-même. J’apprends à être mon propre parent puisque tout est à reprendre à zéro. Je suis allée chercher la petite fille, je l’ai prise par la main. Je la prends par la main tous les jours. Et je lui apprends à vivre. Je lui apprends enfin à être et à ne plus avoir peur d’exister.
Dans ta bouche, j’étais coupable. Dans la bouche de ma mère, j’étais une petite chose fragile dont il fallait profiter.
Ma fille, ton seul rôle dans la vie est de survivre et d’éviter tout danger. Ne sors pas de ton petit lit… Ma fille, si tu t’autorises à vivre, tu vas me tuer ! Je n’aurai plus d’identité ! Qu’est-ce que je vais devenir, moi, la Mère, si ma petite dernière est une femme heureuse et épanouie ? Qu’est-ce que moi, la Mère, je vais être si tu me prives de ce rôle de Mère protectrice et étouffante d’amour que je dois perpétuer sur toi pour donner un sens à ma vie ?
Les messages injonctifs auxquels on m’a formatée à obéir.
Va te faire foutre avec tes injonctions.
Va te faire foutre avec tes jugements.
« Tu es faite pour être monogame ». Vrai ou pas. Qui es-tu pour me dire qui je suis ? Qui es-tu ?
J’ai peut-être cette petite fille fragile en moi. J’ai peut-être cette petite fille qui a peur d’être abandonnée par papa. Qui a peur de faire du mal à maman. J’ai peut-être des putains de failles narcissiques. Mais au moins, j’en ai conscience. Elles sont là, je les vois, je les sens, je les vis, je les écoute, je les prends dans mes mains et chaque jour, je les répare un peu plus. Chaque jour, j’apprends à assumer le rôle d’adulte que je me dois d’assumer pour réparer la petite fille en moi.
J’ai peut-être mis presque quarante ans pour enfin prendre conscience de qui je suis vraiment, et de ce qui m’empêche d’avancer. Mais où en es-tu, toi ? Où en es-tu de ta prise de conscience de qui tu es vraiment ? Du jeu que tu joues avec moi ? De la manipulation que tu as encore tenté d’exercer sur moi ?
Qui es-tu ?
Personne.
Personne n’a le droit de me dire qui je dois être, comment je dois vivre, comment je dois chercher mon bonheur, comment je dois m’épanouir.
La famille que je recherche, tout au fond de mon être, peut prendre de multiples formes. Je serai heureuse auprès de personnes belles et bonnes pour moi. Voilà ce que je sais.
Des personnes pour lesquelles le mot « consentement » signifie la même chose que pour moi. Des personnes qui m’entendent et m’écoutent quand je dis NON. Des personnes qui partagent avec moi les valeurs de respect, d’amour sincère, de bienveillance et d’authenticité.
Tu n’en fais définitivement plus partie.
« Ceci est mon Corps« . Ceci est ma Vie. Ceci est mon Être. Et putain de bordel de merde, c’est Sacré.