L’homme tortue.

L’homme grand à la peau de tortue a apporté sa tortue à tête de chat au comptoir. C’est pour l’abattoir. « Mais c’est le Moyen-Âge !! » je me crispe et la révolte intérieure me blesse à vouloir s’échapper. « Il faut apprendre à se soumettre aux règles », comme toute réponse.
L’homme semble résigné, je crois qu’il veut m’apprendre quelque chose. Mais quoi ?

Plus loin, la promenade à quatre à travers le village se transforme en traversée d’un village mormont. L’ambiance est légère, à pieds… puis en voiture. La vieille décapotable d’un autre siècle descend un petit chemin qui nous mène dans un cul-de-sac, fermé par une grande porte en bois bleu. La fente de la boîte aux lettres est la seule ouverture. Dans le bois, à côté, un homme est recroquevillé sur des planches de bois. Il trouve notre intrusion dans le petit chemin bien irrespectueuse. Il remonte un drap sur lui, fait comme s’il était allongé dans un lit confortable. Je n’ignore pas que ce lit n’est que feuilles et branches.

Turquie ?

Y fallait bien que j’me dépêche, sinon j’allais être à l’heure.
Cerveau embrumé de trop peu de sommeil.
Une bonne heure ce matin, de la douche aux chaussures noires, du pull rose au bol de céréales, de finalement non j’vais pas mettre les noires elles me font mal aux pieds à putain mais chuis à la bourre et pourquoi ils ont déplacé la route depuis hier.
Une bonne heure à jujoter tranquillou dans mes rêves de pays amoureux, où un gentil bandit et son chauffeur nous enlèvent en mercedès noire qui brille à la sortie de l’aéroport pour nous mener dans des paysages de torrents d’eau tiède où trônent des cristaux géants de glace ou de sel. Des chemins à construire au fur et à mesure que l’on pose des tuiles par terre, l’argile dessine des chemins, des rigoles d’eau de pluie, et les deux taureaux noirs en profitent pour faire la course avec nous. Une maison, un palace, une demeure tranquille et sereine ouverte sur l’eau, la terre et la végétation. Une rampe d’escalier sur laquelle je glisse, m’accroche, saute et m’envole pour gagner la course taquine contre les deux taureaux qui redescendent.

D’ailleurs, je crois que j’y suis encore, dans mes rêves d’eau blanche et de bouillons argentés. Toujours cette amie perdue de vue depuis le lycée. Toujours elle. Peut-être une barrière sans importance au final, sinon celle que je lui donne sans vraiment le vouloir.

Je me force à glander dix minutes pour jeter quelques mots ici. Anesthésiée par l’optimisme et l’energie, je ne sens plus mon travail passer. Je rentre ensuite bien sagement à la maison et… non, en fait, je préfère ne pas y penser. Le vivre m’est moins pénible.

Je me demande ce qui rend les hommes si lâches et si faibles. Pas tous. Non. Juste ceux chez qui j’ai l’occasion de le remarquer.
Mais un peu de colère dans tout ça, je m’en réjouis.

Toutes mes excuses pour mes non-réponses à vos commentaires. J’ai l’air de m’en foutre ? En fait non. Je m’en veux un peu. Parce que j’aimerais faire les choses bien. Parce que j’aimerais toujours faire les choses mieux. Sans trop savoir si je prends trop de temps pour penser et pas assez pour agir. Enfin si, je sais. Je sais bien.

J’aimerais entrer en contact avec le monde qui m’entoure. Et j’ignore comment faire.

Le train 54

Le train 54 arrive alors que je me trouve sur le quai d’en face.
A l’instar de quelques uns évidemment plus rapides que moi, je traverse en courant les rails. Pas le temps de prendre le passage sous les voies. Le train 54 va partir. Pas de porte d’entrée de ce côté-ci du train 54, un autre train arrive et fonce sur moi. Juste le temps de bien calculer sur quels rails doivent se trouver mes pieds pour ne pas se faire écraser…
Il me semble que c’est à ce moment-là que j’ai commencé à percevoir la sonnerie d’un de mes quatre réveils. Celui qui crie le plus fort et le plus aigu. Les sons étaient tellement lointains… J’ai réalisé que les boules Quies étaient restées dans mes oreilles sans broncher.
Pourquoi des boules Quiès alors que l’on vit dans une maison perdue au milieu des champs ? Parce que la cloison des deux chambres est malheureusement trop fine pour absorber les ronflements morbides de ma coloc.
Une raison de plus pour rejoindre Paris : Je dors déjà avec boules Quies. Toutes les nuits.

J’essaye de retrouver un peu d’humour, de la poigne et de la verve, mais aucun essai ne me paraît satisfaisant. Par contre, je reprends goût à l’humour des autres, s’il est suffisamment léger pour ne pas me plomber l’estomac. Quelques envies reviennent, doucement. J’essaie de faire attention à qui je parle, j’essaie de ne pas me coucher dans les rosiers, même si la tentation est là.
Faire attention n’a jamais sauvé personne quand il s’agit de tomber au mauvais moment. Ainsi, on se blesse parfois bien inutilement.
L’homme se doit d’être absent, l’homme se doit d’être cassant, l’homme doit me faire mal pour que je l’aime tant ?
Il est temps d’achever Oedipe, et de te laisser t’étouffer doucement dans ta gangue d’auto-suffisance.
L’homme libre est le plus beau de tous. On ne peut que l’admirer, immobile, telle une statue de givre perchée haut sur son piédestal, inaccessible.
Parfois, j’ai envie de prendre un marteau et de l’exploser, cette putain de statue.

Hier, c’était la journée des animaux qui refusent de crever et qui agonisent lentement. Les pattes qui remuent dans le vide, appendices inutiles de corps brisés mais toujours vivants. Les secrétions corporelles qui se vident en spasmes incontrôlables. Des cris stridents, expressions folles d’un instinct propre à ceux qui aiment l’odeur de l’herbe fraîche et de la terre humide.
Je l’ai laissée crever sous quelques feuilles, lentement. En espérant que la mort vienne d’elle-même. Je ne connais pas son cri, je ne sais pas l’appeler. Il ya des langages que l’on souhaite ne jamais parler.

Il a une queue, il a une tête, et il s’appelle homard.

L’angoisse. Merde. Pourquoi moi, je suis seule ? Et pourquoi lui il s’envoit en l’air ? Hein ? Non mais soyons clair avec notre moi-même. C’est pas de la jalousie d’amour. C’est de l’envie. Enfin… Non qu’il y ait quoi que ce soit à envier dans une situation qui sent la croquette au thon comme celle-là. Mais bordel de merde, je réclame ma dose de luxure et de vautrage !

Comme s’il n’y avait plus que ça à conserver des errances. La phase de tests est achevée. Les conclusions sont posées : remodelage complet de la boîte à rêves. Les grandes croyances de l’enfant ne font plus avancer personne. L’enfant va avoir trente ans. L’enfant s’essouffle, se gaspille, se répand. Moins que d’autres, sûrement. Mais déjà trop.
Donc, pas assez.

Il n’y a plus rien à économiser. Plus rien à construire.
Quelle impériosité dans cette expression « Maintenant ou jamais » ! Lorsque l’enjeu est d’importance, soyons sincères, vous ne laissez pas passer l’occasion du « maintenant ».
Vous avez tort. On se sent particulièrement serein une fois tombé dans le « jamais ». Une fois qu’on a dit aurevoir au temps d’avant, au « maintenant ». On se sent calme, posé. Particulièrement mort, tout en étant plus que jamais vivant.
Impressions étranges.
Une dernière mue de jeunesse avant celles du déclin. Homardisation de la trentaine. J’ai niqué mon horloge biologique à coups d’hormones castratrices pendant presque 10 ans. Je suis fumeuse. Je suis donc heureuse de ne pas être déjà morte de mon cancer imaginaire.
J’ai envie de devenir une femme. Maintenant que je ne suis pas mère.

Jin et mère crapaud

Mais quelle nuit de folie ! Jin, de Lost… Toute la nuit rien que pour moi et des tonnes de cunni ! Non mais franchement, ça vaut pas le coup, parfois, d’être un peu dérangée de la tête pour en arriver à des aventures nocturnes de cet acabit ?
Bon, ok, ça se passait dans la maison de mes parents… D’abord dans mon ancienne chambre, puis dans celle de mon frère. Impossible de retourner dans ma chambre Jin, je suis désolée, la porte qui les relie a été condamnée il y a belle lurette ! En plus je l’ai vraiment traité comme un con hein. Alors qu’il s’approchait de la porte condamnée en espérant la franchir pour retourner dans la mienne, je lui fais remarquer gentiment que sans doute, il avait du voir que la porte, de l’autre côté de la cloison, n’existait pas ! Pour sûr pépère, elle est murée. Ce qui est d’ailleurs complètement fidèle à la réalité des lieux.
La chambre de mes parents, en face de celle de mon frère… Jin ne veut pas qu’on nous voie, ne veut pas qu’on nous trouve… Or, il y a la « figure maternelle d’horreur », là-bas, en face. Les portes sont ouvertes. Comment faire. Je le rassure. Tu parles, j’avais pas envie que les galipettes s’arrêtent en si bon chemin moi. Pas folle la guêpe.
La chambre de ma soeur… Ex- chambre de l’ensemble de la fratrie. Au moins trois paires de lits superposés dans mon rêve. Bizarre. Un camp ?
Y’a une histoire de piscine à un moment, je n’arrive plus à replacer tout ça dans l’ordre. Oui, je crois que c’est un camp. Mais de quoi ?
La « figure maternelle d’horreur ». Une dame, édentée. Crasseuse. On dirait un crapaud caricaturé sorti d’une BD pour faire peur aux enfants. Elle dort dans un des lits qui se trouve contre le mur ouest de la chambre. Une femme de ménage passe. L’aspirateur avale des morceaux de boue et de crasse collées contre les plinthes. Le sac est rempli de gravats poisseux en un rien de temps. La « Figure maternelle d’horreur » n’est pas aussi vieille que ma vraie maman l’est. Elle a une voix de fumeuse. On dirait en fait un mélange entre mes pires apréhensions maternelles, mes peurs les plus ancrées et la mère Groseille dans « La Vie est un long fleuve tranquille ». Et aussi une autre personne. Une autre mère. Je vois à peu près laquelle.
Après le passage de la femme de ménage, qui a aspiré tout ce qu’il y avait d’aspirable et qui recouvrait les lits, les couettes sont belles, fleuries, douces, les lits propres et resplendissants, comme ceux de chez ma copine Audrey G. Bon vieux souvenir de collège.
Je me souviens être allongée sur un lit. Pas celui contre le mur nord, qui correspondrait à la réalité de mon enfance. Mais contre le mur ouest. Toujours. Et la tête au sud. Donc dos à la porte d’entrée. Une femme déboule dans la chambre. Une actrice que je juge dans mon rêve comme étant oubliée. Mais qui, après réfléxion, ressemble pas mal à Isabelle Nanty. Elle est vêtue comme une clocharde… Je ne me souviens plus de la discussion qui a lieu dans la chambre.
Mh… Si je ne m’attèle pas à rédiger ces comptes-rendus de rêves dès mon réveil, je suis sûre d’en perdre la moitié. Et si j’attends plus d’une demi-journée, c’est la totalité que je perds en général. Comme si ces images refusaient de rester gravées.
Après réflexion, je me demande si mon Jin n’était pas en fait même plus jeune que le Jin de Lost… Graouh. Je sens qu’il y a des morceaux de ce rêve que j’aurai du mal à complètement oublier ! Et je choisis pas les pires, croyez-moi. Je laisse mes névroses à la femme de ménage. Je garde le sucre et le miel.

En vrac. Rêves faits sur le matin.

Très mauvaise idée que de se recoucher avec des mots de colère plein la tête… Dans les rêves que j’ai faits ce matin, il y avait, pour le peu que je me souvienne :
– Un oiseau, attaché au bout d’une corde, que je tuais en le projetant contre le sol.
-Une très vague histoire de bébé volé. Aucun étonnement de ma part, il y a des bébés à sauver dans mes rêves chaque nuit depuis plusieurs jours (années ?). La nuit dernière, c’était dans le train qui s’écrase comme un avion avec les échelles perdues dans les nuages et la valise qui tombe par la fenêtre et qui se transforme en énorme container et fait tomber le train.
-Une femme avec donc, un bébé, trahie, si je me souviens, et l’homme l’enferme dans une cage sous le sol. Une grille donne dans le bitume d’une rue. Les passants, coiffés de chapeaux asiatiques, marchent au dessus de la grille sans prêter attention aux doigts de la la femme qui dépassent de la grille. La femme est en combinaison vinyl rose… Cats’eyes ? En tout cas, elle est aussi leste qu’un petit chimpanzé.
– Des tenues médiavales… Un décalage ressenti entre l’époque dans laquelle nous vivons et les costumes que nous portons. Une salle immense, dans lquelle je suis normalement déjà venue alors qu’elle était en travaux. Là, les travaux sont finis. Nous sommes quelque part dans un chateau… Des personnes investissent une ancienne église pour en faire leur nuovelle demeure. Je fait une remarque concernant l’opinion de F. Même la nuit, les sbires de Dieu me pourchassent.
Des gens n’ont rien à faire là. Cette fille, que je ne connaissais pas vraiment, que j’ai connue au collège… Marylin je crois. Qu’est ce qu’elle fout là ? Je suis sûre que ce n’est pas la première fois qu’elle intervient dans mes rêves.
-Un labyrinthe de troënes… Nous cherchions quelqu’un. Ce labyrinthe me fait penser au film « Le parfum ».
Je me souviens de sang… de trahison… Que ce soit la nuit dernière ou celle d’avant, jamais l’homme n’est présent à côté de mon personnage pour m’aider. Il n’est jamais là que pour faire l’enfant et me trahir ensuite.
J’aimerais bien un jour, que nous nous réunissions, toutes les deux. Celle que je suis à l’intérieur et qui se sent perpétuellement trahie. Et celle que je suis à l’extérieur et qui veut gagner le combat.
Abandonnée, trahie. Délaissée. Il est toujours question de se retrouver à mener le combat toute seule. Ceux qui t’aiment, ceux qui t’ont aimée, ceux que tu aimes, ta famille, tes amis, tous t’abandonneront. C’est contre cette peur-là, aussi, que j’ai un combat à mener. Ne sachant qui je suis, je ne sais s’il n’est pas déjà perdu d’avance.

Rêve #2. La cité médiévale.

Suite du rêve de cette nuit.
Plusieurs scènes en vrac.

Une cité médiévale. Des ruelles poussièreuses, des demeures à un étage en surplomb, des colombages, des fenêtres à meneaux. Sur la place du village, avec en sentiment l’impression de déjà connaître ce lieu. Je sais que je me trouve plongée au milieu d’un lieu imaginaire, un décor fictif de jeu, devenu ma réalité. Tout le rêve se déroulera alors dans cette ambiance surréaliste, où le décor date de plusieurs siècles, mais où je sais que les personnages sont bien ceux du temps présent, même s’ils revêtent d’autres apparences.

Une ruelle en montée, surplombée d’une construction sur plusieurs étages. Je vais pouvoir observer chacune des plaques, indiquant les noms des différents étages de ce bâtiment. A coté des plaques, une fenêtre.
(Je ne me souviens plus exactement des incriptions des plaques.)
Premier étage : « Juste avant de sauter » ( ?). Des gens courent vers la fenêtre, ils courent donc dans ma direction. Ils prennent leur élan. Je vois deux de ces personnes courir, sauter… vers où ? Je ne les vois pas, je sais simplement qu’ils vont mourir. Et ils sont tous les deux adolescents.
Deuxième étage : « Dix années après  » (toujours « ? »). Des cadavres dans la terre. Des squelettes qui bougent, je crois. Une scène à la Villon ?
Troisième étage : « Dix années avant » (ou quelque chose du même genre). Une photo de famille, des gens heureux et souriants, une photo figée et jaunie, des tons sépia. Famille nombreuse, j’ai le souvenir d’avoir vu au moins une douzaine de visages sur le cliché.

L’immeuble de la Mort.
Et derrière cet immeuble, si je passe sous ce pont, dans cette ruelle, je passe dans le monde de l’au-delà.
Eh bien, cela tombe à pic. J’ai une réunion de travail qui m’attend là-bas.
Dans mon rêve, je travaille chez les morts.
Je ne me souviens plus bien de mon travail. Je sais que je dois assister à une réunion, en tant que membre d’un jury je crois. C’est une assemblée de juges devant laquelle mon avis n’est que consultatif en fait. Je me souviens d’une discordance de points de vue, entre mon « supérieur » et moi. Je sais que je ne suis pas d’accord, mais je ne sais plus à propos de quoi. Je me sens impuissante et frustrée. Je sais que mon avis n’a aucune importance. Je dois faire comme il l’a été décidé par les membres réguliers de cette assemblée. Je sais que les sorts de personnes sont entre mes mains. Mais je vais devoir agir contre ma propre volonté.
Mon supérieur a un signe particulier physique en commun avec mon père. Il lui manque une incisive, dans les dents du bas. Je reconnais le petit sossotement lorsqu’il me parle. Signe de vieillissement, la première dent déchaussée.

Et puis après je sais plus.

Rêve #1. Une question de choix.

Rêve totalement chaotique. Des bouts de réalité tout mélangés.

Autour d’une grande table en bois rectangulaire. Moi d’un côté. De l’autre, lui. Et elle.
Ses doutes à lui, ses questions passives. Passives parce que centrées sur lui. Sans regarder autour de lui. Excentré à force d’être concentré.
Ses minauderies à elle, son regard provocant à mon égard. Ses caresses sur lui, sa joue contre la sienne, sa main, active.
Mon envie, à moi, de jeter le contenu d’une bouteille de vin sur sa face, à elle. La rage, stérile et fuyante. Je me lève, longe la table vers la gauche. Je regarde maintenant la scène de loin. Loin. De toute une grande table de bois. En diagonale.

Je me suis vue pourtant, contourner cette table, par la droite, pour venir verser la bouteille sur ses cheveux, à elle. Me venger. Puérilement. Je me suis imaginée, dans ce rêve.
Et c’est le scénario de la fuite que j’ai suivi.
Ma question est « pourquoi ? ».
Depuis mes six ou sept ans, je connais la rage de sentir le liquide glacé se répandre du sommet du crâne jusqu’au fond de la robe, le long du dos, du ventre. La surprise, mêlée d’impuissance, ce désarroi de l’ « aqua bon » (hum.) lorsque l’on sait que l’adversaire saura, de toute manière, toujours être plus fort, dès qu’il s’agit de réagir par la violence et les actes, plutôt que par les paroles. Mon adversaire d’alors n’était pourtant haut que comme trois pommes. Mais je ne dépassais moi-même pas les deux. Et il avait, pour lui, un appendice entre les jambes. Et quand un être humain se retrouve avec ce truc en couronne au-dessus de ses deux gonades, il faut se dire qu’il ne connaîtra jamais aucune limite dans la violence et dans la montée vers les derniers retranchements de la force des corps. Un jeu ne trouve pas sa fin, jamais, tant que cet être n’aura pas prouvé au monde entier, ou aux autres nains de l’assemblée, que c’est lui qui a bien la plus grosse couronne sous le nombril.
Plus tard, les combats face à mon frère, tous marqués dans mon souvenir par l’amertume de mes échecs, m’ont confortée dans mon opinion sur la race des couronnés. La dernière montée en chute libre fut celle qui s’est conclue par une fourchette plantée dans les doigts de ma soeur, et mon envie, jamais consommée, jamais complètement étouffée, de faire subir le même sort à l’auteur de cette démonstration inutile de puissance (même adjectif).

Jeter cette bouteille à la face de cette fille, aussi jouissif sur l’instant que je puisse l’imaginer, devait ainsi rester un fantasme. Ce ne sont pas mes vraies armes. Ce ne sont pas des combats de cette sorte que je désire mener. Ceux-ci sont réservés à ceux qui ont une fierté dégoulinante à afficher, en trophée, au fond de la poche de leur jean trop serré.

Ai-je réellement fui ? Ai-je vraiment ressenti l’échec cuisant de l’impuissance ? Alors que nous étions, au fond, toutes les deux à égalité, l’une face à l’autre… Toujours cette peur d’être la plus faible, la plus effrayable, la plus fragile… Il ne faudrait pas non plus que je prenne la facheuse habitude de me conforter dans le rôle de celle qui refuse les combats, par peur de ne jamais sortir victorieuse.

Cesse donc là les questions. De toute façon, il y avait un homme absent dans l’histoire. Et si combat il y aurait du avoir, cela n’aurait pu être possible qu’à trois effectivement présents, en corps, en âme, en pouvoir de choix.