Trop

Trop grand, tout de suite.
Si c’est trop, ça ne sera jamais suffisant.

Minuit trente, l’heure du besoin de tendresse.
ça en fait une bonne raison pour se laisser aller.
La journée fut comme les autres, à ceci près.

Je t’offre comme ça quelques bouts de moi,
Juste pour quelques heures, parce qu’après,
j’ai toujours peur qu’il n’ y en ait pas assez.

Les prendre sous ton aile ou bien leur tordre le cou,
on verra bien si les regards sont doux,
on verra bien s’il y en a trop.
On verra bien si c’est tout.

Demain, je m’apercevrai que je me suis menti,
Ou que c’est toi qui m’a trahie.

Peut-être, suivant si c’est trop
Ou juste ce qu’il faut.

Le pire comme le meilleur, depuis le début.
J’ai signé un contrat de mariage avec ma vie, je crois.
J’veux pas qu’on s’ sépare, mais j’veux trop garder.
Mariage religieux.

On m’a insufflé dans la tête des bouts de Dieu,
sans jamais vraiment m’apprendre à croire.

Pourquoi ça sonne toujours un peu, faux croire ?
J’crois qu’il faut qu’on s’sépare.
Ménage à trois, ma vie, toi, moi.
J’crois qu’j’en dis déjà un peu trop.
J’crois surtout qu’ je vois pas assez grand.
Et ça, c’est sûrement pas suffisant.

Profondeur de champs

« Zone de netteté acceptable qui s’étend de l’avant à l’arrière du sujet. Elle est inversement proportionnelle à la longueur focale de l’objectif, à la distance de mise au point et à l’ouverture du diaphragme. »
Michaël Busselle, En voyage. Ed. La compagnie du livre, coll. Mieux photographier, 1998.

Ok. Alors, plus tu te rapproches du mur avec tes deux grands yeux bien ouverts, plus tu te concentres sur le mur, et moins tu vois bien derrière.

J’ai bien compris la leçon ?

sècheresse

Bon, allez, on va pas continuer à se faire la gueule comme ça…
C’est ridicule.
Oui, non, je sais, c’est pas ça qui est ridicule. C’est cette situation.
Mais tu me connais, une vraie éponge à sentiments.
Tu me colles devant les derniers épisodes de la saison 3 de Grey’s Anatomy et ça me fait pousser des trucs dans le coeur. ça rentre par les yeux, ça file direct au cerveau, ça lance une production d’hormones en tout genre et pouf, ça fertilise le coeur. J’y peux rien si j’ai pas de mur dedans. J’y peux rien si y’a le soleil qui rentre par mes oreilles et mes narines. C’est comme ça, faudra t’y faire.
Alors ouais, je sais, c’est ridicule de revenir comme ça là ce soir.
Mais depuis le temps…
J’en ai eu des trucs à te raconter. Plein. Des conneries, des exploits de la coloc qui meriteraient une nouvelle à la Edgar Poe, des peurs, des joies… Des lâchetés sans nom.
Un jour, ici même, un lecteur que je soupçonnais d’être mal attentionné, voire très chiant, m’a écrit un truc qui a germé. Il a planté sa petite graine et il s’est barré. Comme il l’avait dit.
Il m’a dit avoir tout lu, depuis le début. Il m’a dit que j’écrivais bien, je crois. Il m’a surtout dit qu’en quatre années, rien n’avait changé.
Et ce con avait finalement raison. Rien n’avait changé.
Je crois bien que c’est contre ça que je me bats.
Je me bats contre toi, parfait reflet de l’éponge que je suis. Reflet ?… Mh. Non. Tu es pire que ça. Tu es le jus qui me coule de la tête, tu es l’eau de ma lessive interieure, tu es mon savon et mon déchet cérébral.
Ma quintessence.

En fait, je me suis fait la promesse de ne pas revenir te voir tant que je n’aurais pas décroché un nouveau boulot. Non, te réjouis pas trop vite, c’est pas encore fait. Tu sais bien, je cherche la perle rare, le truc parfait. Alors c’est encore pas pour tout de suite, même si je surveille mes lignes de près. Y’en a une qui frétille… Et moi avec.

Et puis, au fil des semaines, j’ai eu peur de ne pas revenir vers toi pour de bien plus mauvaises raisons. La paresse. La flemme de puiser la force nécessaire pour extraire le jus de l’éponge. La flemme de laisser l’éponge sécher bien simplement au soleil, et, les jours de pluie, de la laisser moisir dans son humidité putride.

Tu me diras si tu y trouves du changement, mais je crois bien que j’ai séché et moisi en même temps.
Séché au point de ne pas savoir aimer qui m’aime. Moisi au point de me faire une raison.

Mais c’est la culpabilité qui me ronge. Et ouais ! L’autre, il avait bien raison. Rien n’a changé. En cinq années, maintenant, rien n’a changé. Elle est toujours là.

J’ai retrouvé une porte vers mon passé aujourd’hui.
Une porte sur laquelle je pourrais frapper et demander simplement dans l’entrebaillement « comment va t’il ? ». Comment va t’il, celui que j’ai abandonné ? Comment va t’il, ton frère, que j’ai laissé dans sa chambre d’hôpital, au rayon des fous ? Comment va t’il, le père des enfants que je n’aurai pas ?

Oué, ok, j’entends ton rire sarcastique d’ici, « fallait bien qu’il y ait une sacrée motivation pour qu’elle vienne s’ébrouer ici ! ». Tu as raison, j’ai besoin de toi, j’avoue. Parce que ça me demande moins de courage de venir gribouiller ici que de m’exprimer face à quelqu’un. Alors me voilà.

Et maintenant, j’en fais quoi, de l’eau qui coule ?