je / tu / Elle



Objet dormant. Sexe féminin. Capturé un soir de pluie. Je crois. Je ne m’en souviens plus. En tout cas, nous venions de prendre une décision. Et nous l’avons suivie. Ensemble, toutes les deux.
Nous venions de décider d’exister, chacune pour sa peau, ensemble, en se tenant la main. Nous venions de décider de plonger dans l’eau froide, de nager, jusqu’à ce que le fond s’en suive, pour mieux remonter.
Nous nous sommes promis de prendre soin l’une de l’autre, en balbutiant. Peut-être même sans rien se dire. Comme des enfants qui s’échangent leur sang. Avec des grands mots qui ne servent à rien, puisque là n’est pas l’important.
Le souvenir que l’on garde de ces instants, et de ceux qui suivirent, précieux comme rarement. Il y avait quelqu’un pour nous tenir la main, c’est tout ce que je retiens.

D’elle ou de moi, qui est la plus forte ?
Drôle de question. Les rapports de force, je n’y crois plus. Ils sont tellement présents. C’est juste un déguisement, d’être tout nu. J’aimerais juste pouvoir te regarder pendant que tu te maquilles. Laisse la porte de la salle de bain entre-ouverte s’il te plaît.
Tu dors à gauche ou à droite ? Elle ne sert plus à rien cette question. Je dors du côté de la porte. Sauf quand je me sens bien. Je n’avais jamais compris pourquoi. Maintenant je sais. C’est la place du gardien.

Alors où es-tu maintenant ? Je sais pas bien. Je suis arrivée quelque part en tout cas. Le voyage s’est bien passé ? Sans encombre. On m’a appris à mentir, depuis tout ce temps. Pour protéger, tout le temps. Mentir pour protéger ceux qui n’ont pas les armes pour affronter la réalité. Alors arrête de jouer à l’enfant.

Vorace, texte auto-érotique

Je suis un mec. Me manque la queue entre les jambes, mais sinon, je vois pas ce que je peux être d’autre maintenant.
M’ont déteint dessus. Les couleurs, les claques, les sans raison. Aujourd’hui je suis convertie à la perversion.
J’ai envie de steak et de patates.
Demain, je m’entraîne à pisser debout.

J’ai pas le charisme de ceux du haut de la chaîne alimentaire. Même pas la carure. Et en bas, je suis pas à ma place. Chuis le truc qui court pour se planquer dans les bois, le ptit machin tout faible qu’a pas des grandes pattes et mon seul talent dans la jungle, c’est que je m’adapte.
Alors je suis un mec.
J’ai décidé de manger du corps, avec plein de patates. Et des haricots verts s’il vous plaît. C’est pour ma bonne conscience.
J’vais bouffer d’la chatte tiens. D’la queue d’animal vivant. Déchiqueter des membres sanguinolents. Tout ce qui traîne, tout ce que je vois.
Dans les entrailles je chercherai le coeur. Le coeur, c’est ce qu’il y a de plus important. J’vais m’en repaître de tous ces sentiments. Dans le coeur des autres, je vais chercher le mien. J’ai du le perdre, mais j’me souviens pas quand.

Chuis une fille tout ce qu’il y a de plus doux, sinon. La bonté même. Je l’invente pas. Quand on m’l’a dit, j’y croyais pas. Et humble avec ça. Ce sont des tas de tendres gênes qu’on a gravé dans ma chair. Merci maman, merci papa. Le problème dès le départ avec ce genre de peau-là, c’est qu’une goutte d’acide fait tout déborder. Un corps comme ça, ça vomit tout le temps, ça supporte pas, ça se crispe en un regard, ça se recroqueville dans son coin. Mais qu’est-ce que j’ai pu chougner, putain !

Fille douce, ta peau l’est plus encore. Viens-là et je te mords.

Une fois transformée en bouillie déjeuner, j’ai touillé. J’ai écumé tout ce que j’ai pu, tout le dicible, tout l’avouable. Rien que des mots, en somme. Y’a rien à béqueter dans une bête comme ça. J’ai tout versé dans l’assiette de mon voisin. Gratté le fond de la carcasse, rongé les os.

A la fin, il ne restait presque rien. Une grosse pelure de jalousie. Et de la possession en rognures.
Insupportable concurrence de toutes ces chattes qui jouent avec toutes ces queues.
J’ai tout mangé. J’ai tout vomi.
Hier, j’ai mangé du sentiment. Les plus cons que j’ai trouvés.
Alors je m’avale et me régurgite, comme ça, pour voir comment c’est bon de bouffer de la fille à la peau douce.

Mais aujourd’hui, comme j’suis bonne catholique, ou tout au moins baptisée, j’vais à confesse. Et j’ai envie de croquer ton ptit cul. Pardon, c’est pour la rime.
J’me cherche, c’est comme ça.
Une dure journée.
Ce soir, je regarderai Bambi à la télé. Je sais, c’est pas raisonnable, j’vais encore pleurer.

Histoire de la main

Le premier doigt de la main, ce point d’exclamation
Il me montrait la direction du ciel
Et j’ai compris, j’ai bien compris qu’il me disait « fais attention !
Ton coeur n’est que partage, ton corps n’est que don. »

Un simple oui dans notre langage de signes
Je t’ai répondu en te prenant la main
Les silences sont autant d’émotions

Est venu le second doigt, et tous nos points d’interrogation.
Les unes après les autres, nous avons posé les questions,
les conditions, les peurs, les prises de positions.
La direction est claire et le sens n’a pas toujours raison.

Un simple oui de notre langage d’infirmes.
Je t’ai répondu en te prenant la main.
Mes silences sont autant d’abandons.

Pointé le troisième doigt, croqué le quatrième.
Montre-moi si tu aimes, je chuchoterai ton nom.
Le pouce en points de suspension, insistant, hésitant,
Trois ptits points enfoncés dans nos intimes convictions.

Des oui en braille dans notre langue animale.
On s’est répondu en se prenant la main.
Nos silences sont autant de respirations.

Le dernier mot de mon corps, posé sur tes reins.
Il te montrait la direction du ciel.
Ne t’inquiète pas, mes peurs se sont tues à merveille.
Et tu as compris, tu as bien compris le cri de mes mains.

Piment

Et qu’importe, si ça pique un peu.
Tout a commencé le jour où l’on a appris le sucré, puis le salé, et enfin l’amer.
Tout s’enchaîne ensuite, pour ne jamais s’arrêter.
Quand le chewing-gum perd son arôme, on en change.
Un peu plus de poivre sur les haricots beurre
Des cordes un peu plus serrées sur les poignets
Tes griffes encore un peu plus marquées dans mon dos
Dosage savamment étudié ?
En rajouter, encore un peu, encore un peu plus, toujours plus
Affoler les terminaisons nerveuses de ce merveilleux paquet de nerfs que nous sommes
Synapse, trop souvent déconnecté,
En fonctionnement saturé le circuit fermé.

Un peu plus fort…
Endurer n’importe quoi, tant que cela nous permet de ressentir.
Le synapse se connecte, en recherche de fusion,
En quête de transmission. Pas possible de garder tout cela pour soi.
Pas possible de finir grillé comme ça.
Il faut faire passer le message, le courant électrique,
Mon énergie, ta lumière !
Emotion, sensation, plaisir, douleur.
Tout et n’importe quoi, tant que c’est fort !

Hierarchiser, inculquer, dominer, se plier.
Donner à l’autre ce statut ultime d’objet de désir,
Encore épicer le paradoxe :
Le dominant n’est jamais celui que l’on croit.
La domination ne doit pas exister.
Perversion superficielle alimentant les discussions autour du bénitier.
Celui qui domine n’est rien sans celui qui accepte de l’être.
Equilibre, savoureux échange, salé, poivré.
Tellement sucré.
Celui qui renverse est-il vraiment enclin à faire le mal ?
De Sade à Djian, de Dante à Easton Ellis,
Des Evangiles à mon quotidien.
Son quotidien. Mon plaisir. Ta saveur.
Quête du goût ultime, en tranches,
Sur un verre d’eau salvateur.

Tu peux me passer le sel, s’il te plaît ?

Les instants de totale schyzophrénie où je me regarde être. ça me donne le vertige. Le même que quand je mange une glace trop froide, le black out qui part derrière les yeux et qui remonte dans le haut du crâne. Le vertige se colle par dessus les tremblements. Les tremblements par-dessus les frissons. Les frissons par-dessus l’envie qui cogne… bambam…bambam… Frapper l’air pour le chasser de ce qu’il nous sépare, le punir de la place qu’il ne prend pas…
Le presto de l’Ete de Vivaldi sort de ma tête et me revient dans la peau.
Les instants sublimes de la séparation pour de faux, où je m’observe en train de vivre. Je me demande d’ailleurs si c’est du voyeurisme primaire ou de la Contemplation romantique. Je me demande aussi si j’y crois vraiment à ce que je vois, parfois, tellement c’est beau face à mes mois. La petite chose sur l’instantané, là, c’est toi. Instantané volatile qui n’a pas le temps de se figer, si ce n’est dans l’air, révélateur de particules entêtantes.
Je nous contemple en train d’exister, corps unique achevé séparé qui laisse l’air divaguer, reprendre la place.
Avouons-le. Les esprits aiment aussi prendre leur pied.

J’ai peur

Un homme dans le lit

Un homme dans le lit

L’envie me prend, de serrer mon mug tout chaud, de l’entourer de mes mains et de le serrer, très fort. Fort. Tant que je peux. Et de ne jamais réussir à le briser.
Sur un air de Mad world, c’est plus fort que moi, ça aussi.
Et l’homme dans le lit, là, c’est J’ai peur, de Christophe Siébert. Un premier roman, de chez la Musardine. Et après avoir lu ça, tu te demandes, en tout cas, c’est ce que je fais, ce que c’est, vraiment, le porno. Des trucs dans ta tête, tout ça. Pas plus. Et plus ça y reste, et plus c’est porno.
Un style qui n’en veut pas, de style, parce que le style, merde, ça demanderait des efforts au personnage qui se baigne dedans. Des questions, des questions plein la tête quand tu ressors de là, tellement y’en a qu’une qui compte. Et tu sais pas laquelle. C’est con, hein ?
Tout ça pour vous dire que c’est bon. Que c’est du porno qui te déssèche toutes les muqueuses, tellement c’est venteux. C’est con, pour du porno, hein ?
Le type dans le bouquin, c’est un peu Thomas qu’est amoureux, et qui pense qu’au cul. Au sien. Et ça se bouffe tout seul. Le bouquin, pas le cul. Ou alors faut vraiment être pervers.
J’ai peur.
La vitre, elle est partout. Un peu autour de moi. Un peu autour de toi.
En gros, faut donner un grand coup sec. Et dans la première seconde, fermer les yeux. Pour ne parfois jamais réussir à les rouvrir.

Se regarder

Apprendre à se regarder dans une glace.
Non, je n’ai pas dit simplement se regarder.
J’ai dit se regarder.
Nous sommes trois. Nous sommes des yeux, un corps, et soi.
Objet d’observation, beautés que l’on offre, beautés que l’on cache.
Défauts, aspérités, hontes secrètes et fruits sacrés.
Douceurs que l’on permet d’explorer, parfois, par des corps étrangers,
sous certaines conditions.
Attention, bien lire l’étiquette et prendre soin de l’emballage.

Douceurs qu’avant d’offrir, il faut savoir goûter.
Courbes délicieuses que l’on apprend à façonner,
avec tellement plus de facilité lorsque l’on accepte enfin,
de les aimer.

S’aimer. Dans toute sa nudité.
Oser découvrir ce que l’on est, vraiment.
Cette enveloppe que l’on apprendrait mieux à caresser, si seulement on osait la regarder
Droit dans les yeux.

S’aimer pour apprendre à aimer l’autre.
S’aimer pour accepter que l’autre puisse nous aimer.
S’aimer pour avoir confiance.
SE REGARDER.
Et cela ne m’empêchera pas de penser parfois que ce que j’aime le plus en moi,
c’est toi.

Apprendre à communiquer, avec soi-même,
Avant de se lancer dans les langues étrangères.

Merci, philograph, pour cette piqûre de rappel.

Face A / Face B

Une envie de toi un peu voilée, nourrie dans la mémoire de ces heures qui sont restées sans écho à ta hauteur. Malgré tout le reste et ses suivants. Désir brouillé par les mois, les devenirs, les questions et les doutes. Nos situations. Qui nous sommes en dehors de ces nuits. Qui nous avons envie d’être. Avec qui nous sommes en vie, avec qui nous aurions envie de l’être.

Envie de me glisser dans notre à part encore une fois. Reprendre le jeu là où il s’était figé. Faire fondre les eaux claires et laisser couler les troubles. Retrouver le miroir impalpable qui te rendait femme, qui me dévoilait amant. Ces instants si visibles en surface, maintenant. Cette question à peine cachée qui me demande si ce n’est pas moi dont j’ai envie à travers toi.

Analyse d’un rêve homo sexuellement limité

[Préambule de savon : Bon, déjà, avec le titre du post, vous êtes prévenus.
J’aime bien analyser mes rêves. C’est une de mes occupations préférées quand je me rase le matin. Euh non. C’est pas moi ça. Moi je m’épile les jambes. Oui, c’est ça, plutôt. Bon, celui-là, il est un chouilla sexuel, mais ce n’est pas tant le rêve en lui même qui m’intéresse que les idées et conceptions qu’il véhicule. M’enfin, vous n’êtes pas obligés de continuer la lecture hein.]

J’ai fait un rêve qui tournait autour de l’homosexualité. Assez marrant.
Et pourtant, c’est à travers ce genre de rêve que je peux être assurée de ne pas être homosexuelle.
Déjà, même quand je rêve que je couche avec une fille, je me démerde pour que ce ne soit jamais moi qui lui donne du plaisir. Soit que ça n’est nullement un fantasme. Soit que ne l’ayant pas vécu, je n’arrive pas à créer le moment dans mon imaginaire. Je ne sais pas.
D’autre part, non seulement c’est donc elle qui était dévouée à mon plaisir, mais en plus, cette relation reproduisait les schémas d’un simple coït. C’était une femme que j’avais en face de moi, d’accord. Mais une femme avec un gode. Et c’est le gode qui attirait mon attention, pas la femme. CQFD.
Enfin, je sais pas pour vous, mais je trouverais ça con d’être homosexuelle pour se contenter de faire comme les hétéro.
Alors soit je manque clairement d’imagination, soit…
On me parlait hier soir du poids considérable de mon éducation judéo-chrétienne. Oué. La vache ce que c’est lourd ce truc.

Dans la dernière partie de mon rêve, après une phase au supermarché du coin, un panier rempli de yahourts, un choix difficile entre un pack de 12 danettes chocolat caramel et un lot de chocolats liégeois, mais je vous passe les détails…
Le vendeur du supermarché réussit à négocier avec la patronne pour pouvoir se barrer un peu plus tôt. Il part avec un ami.

C’est là que ça se complique.

Je suis apparemment enfant. Ma mère, c’est Charlotte, la brune de Sex and the City. Mon personnage préféré, évidemment. Je la suis dans une maison. Je sais que le vendeur du supermarché a fait l’amour ou bien s’est masturbé dans tous les rideaux de la maison. Ne me demandez pas comment je le sais, mais je le sais.
Je suis amusée de suivre Charlotte dans la maison. Elle retrousse son nez, elle fait une moue genre « Mais ça sent la croquette ici ! ». J’adore. Elle va dans les toilettes, trouve que ce n’est pas très propre. Il n’y a pas de traces, aucune. Mais apparemment, Charlotte a le nez fin. Elle sourit et retrousse son nez. Court de partout dans la maison, à la recherche du vendeur de supermarché. Qui avait pris soin de bien récurer la maison à l’eau de javel. Et qui serait a priori mon frère. Enfin, dans le rêve hein.
Charlotte, ma mère donc, et moi arrivons dans une chambre. Je jubile. Charlotte appelle en direction du placard pour essayer de trouver mon « frère de rêve », le vendeur. Je sais ce qu’elle va trouver en ouvrant le placard et ça me fait marrer. Immanquablement, elle ouvre la porte. Et là, elle fait sa mine outrée. Je me marre intérieurement parce que vraiment, la mine outrée de Charlotte, j’aime. Je sais qu’elle a trouvé le vendeur et son partenaire en train de faire l’amour dans le placard. Je le sais… mais je ne vois rien.

La scène reste donc une évidence jamais révélée à mes yeux. Mon imaginaire sait, mais ne crée pas le visuel. Tout est masqué.
Jamais, à un seul moment, je n’ai ressenti un quelconque malaise dans ce rêve. Tout me paraissait normal et naturel. Mais finalement, tout n’était-il pas du toc ? Une relation femme/femme détournée par les conventions de la relation hétéro. Une relation homme/homme invisible.
J’ai beau essayer de la brusquer comme je peux, cette foutue éducation pleine de carcans et de barrières, elle continue d’entraver beaucoup trop de choses dans ma tête et dans ma vie.
Je ne cherche pas à la rejeter. Ce serait chercher à lutter contre ce que je suis. Non. Juste l’intégrer au mieux. L’accepter. Et lui montrer que y’a plein de choses avec lesquelles elle doit partager son espace de vie dans ma tête.

Toute petite au creux de tes mains. Fragile de me souvenir si bien.
Ces …
Nos …
Comment te dire ?
Peut-être t’appartenir un peu. Malgré moi, malgré mes voeux. Envers et contre toi.
Une douleur de plaisir.
Si évident. De nos vides remplie . Encore, je ne sais pas.
Envie, surement.
Effrontément.
De nos entrelacements me nourrir, pour longtemps. Tu as oublié un morceau de toi collé à ma chair, je crois. Une pellicule lentement coulée. Une caresse soudée aux reliefs de ma peau. Bien cachée. Je la sens encore. Je te sens encore. Là. Fourmiller.
Sourire.