Autrui, connard d’intrus.

Pendant cinq années où j’ai vécu seule dans ma maison en Beauce, parfois avec des colocs plus ou moins plante verte ou taré(e)s, ce blog m’a servi d’exutoire. ça a été comme une espèce d’auto-analyse, pour m’éviter d’aller voir un psy, sans doute. Je n’étais pas encore prête. J’ai commencé alors à écrire suite à une rupture mini-électrochoc. Et j’accepte qu’il m’ait fallu tout ce temps, et une rupture méga électrochoc de sa mère en tongs,  pour qu’enfin, je me sois décidée à entamer une vraie psychothérapie. C’est sans doute la meilleure chose que j’ai décidé de faire depuis très longtemps. Depuis… 6 ans ? Depuis ce jour où j’ai enfin compris, grâce aux mots d’un ami, que j’étais en train de me laisser mourir à petit feu dans ma grande maison au milieu des champs, et où je suis venue m’installer à Paris.

C’est rigolo les cycles de vie…les périodes de six ans qui s’enchaînent, se succèdent et peuvent fort bien se ressembler trait pour trait, l’air de rien. Qu’ai-je fait depuis six ans ? Recommencer ce que je faisais avant, mais ailleurs, autrement, sous d’autres apparences. Une amélioration certaine cependant : J’exerce aujourd’hui un métier qui me correspond beaucoup mieux.

La psychothérapie, pour moi, c’est enfin admettre que parfois, je n’y arrive pas vraiment seule. Je survis, bien sûr, je me démerde. J’applique ce que je connais si bien : Je bouffe de l’émotion et je la recrache sous forme plus ou moins sublimée. Mais je peux y arriver tellement mieux si j’accepte de dire : « S’il te plaît, aide-moi ». Ces mots qui m’écorchent un peu la gueule, et que pourtant, j’ai tenté de communiquer à autrui, dans une manipulation plus ou moins inconsciente, tout au long de ma vie. Il est arrivé que ce soit tellement inconscient que le message que j’envoyais à la place, parfois, c’était : « S’il te plaît, fais-moi mal ». Et qu’est-ce que j’aimais ça !

C’est dingue comme ça a bien fonctionné. Mais ça m’amuse plus vraiment ce jeu-là. Le jeu de la victime.

Lors de la dernière séance chez ma psy, toute chargée de cette espèce de colère qui m’habitait depuis plusieurs jours, j’ai commencé par dire ce que j’avais prévu. Que j’arrêtais pour quelques semaines. Parce que je percevais qu’elle avait une idée du bonheur que je devais atteindre alors que moi-même, je n’avais aucune idée de mes projets de vie à long terme. Je ne sais pas à quoi j’ai envie que mon bonheur ressemble. Et elle, elle a l’air de le savoir, et ça m’énerve. Sauf que c’est ça depuis plusieurs mois maintenant : Je perçois chez beaucoup de gens des idées précises me concernant et dont je ne veux plus. Je refuse leurs idées. Je refuse leurs projections. Je refuse autrui. Autrui est un intrus.

Sauf qu’autrui n’a pas changé. C’est moi qui change. C’est moi qui introjette tout ce que je perçois d’autrui me concernant. Et ces introjections sont devenues des agressions, permanentes.

Elle m’a dit une phrase, au sujet de ma mère. ça ne m’a pas vraiment parlé. Après 30 minutes de discussion, elle a répété la même phrase. J’ai éclaté en sanglot. Un seul sanglot, qui venait de très loin, de très profond. Un cri. Une immense respiration. « On a touché quelque chose », elle a dit. Evidemment, j’étais un peu beaucoup d’accord parce que je ne pouvais plus nier.

Je me battais contre un fantasme qui ne m’appartenait pas, mais que j’avais intégré depuis ma plus tendre enfance. J’ai localisé le principal intrus. Ma psy m’a permis d’installer un halogène près du champ de bataille : Je vois enfin contre quoi je me bats. Et peut-être que la guerre ne fait que commencer. Une guerre d’amour, de bienveillance, de pardon et d’épanouissement. Une guerre pour m’accorder enfin le droit d’être heureuse, sans que cela tue personne. Une guerre pour regarder d’un oeil nouveau ces moments d’auto-sabotage où je me démerde, par une magie que je ne m’expliquais pas, pour faire fuir un homme que j’aime (ou pas, d’ailleurs). Une guerre pour ne plus vivre le fait de tomber enceinte, si la situation venait à se représenter,  comme un crime impardonnable, une atteinte à la vie, une incohérence du destin, qui se finit en fausse-couche. Une guerre pour écouter mes alertes, pourtant si efficaces quand j’accepte de les entendre, lorsqu’un homme me promet, plus ou moins inconsciemment, qu’il me fera souffrir.

Et je commence à voir pourquoi l’envie d’écrire ici revient. Pour témoigner de mon cheminement. Pour graver les idées, les mots, les sens. Ce que j’ai écrit dans ma période beauceronne me sert encore beaucoup aujourd’hui, pour ce travail d’analyse et d’auto-analyse. Plancton fait moins de sublimation poétique, pour l’instant, c’est certain. Mais peut-être que Plancton n’a vraiment plus envie de se vautrer dans ses boues d’émotions parce que l’important aujourd’hui est de faire tomber les masques égo-protecteurs. J’ai enfin pris le chemin de qui je suis, et j’en suis heureuse. C’est difficile, c’est cahoteux, c’est fatigant, c’est pas tous les jours une réussite, mais ça avance. Et nom de dieu, qu’est -ce que c’est chouette.

Et ce qui est encore plus chouette, c’est qu’en faisant la paix avec moi, je fais la paix avec toi, autrui que je ne connais pas. Et enfin, je peux aller à ta rencontre. Enfin, je peux apprendre à être réellement à ton écoute, sans trop interférer avec mon copain l’ego. (T’as rien contre les ménages à plusieurs ?) En tout cas, j’espère qu’on va bien s’entendre, parce que moi, je ne demande qu’à pouvoir t’aimer si je n’ai pas de raison de t’envoyer chier.

 

Une réflexion sur “Autrui, connard d’intrus.

  1. Wildfires dit :

    😉 nous aussi on est plusieurs. On n’est même pas tou.te.s humain.e.s, t’as qu’à voir le merdier… ^^
    :*

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