Vorace, texte auto-érotique

Je suis un mec. Me manque la queue entre les jambes, mais sinon, je vois pas ce que je peux être d’autre maintenant.
M’ont déteint dessus. Les couleurs, les claques, les sans raison. Aujourd’hui je suis convertie à la perversion.
J’ai envie de steak et de patates.
Demain, je m’entraîne à pisser debout.

J’ai pas le charisme de ceux du haut de la chaîne alimentaire. Même pas la carure. Et en bas, je suis pas à ma place. Chuis le truc qui court pour se planquer dans les bois, le ptit machin tout faible qu’a pas des grandes pattes et mon seul talent dans la jungle, c’est que je m’adapte.
Alors je suis un mec.
J’ai décidé de manger du corps, avec plein de patates. Et des haricots verts s’il vous plaît. C’est pour ma bonne conscience.
J’vais bouffer d’la chatte tiens. D’la queue d’animal vivant. Déchiqueter des membres sanguinolents. Tout ce qui traîne, tout ce que je vois.
Dans les entrailles je chercherai le coeur. Le coeur, c’est ce qu’il y a de plus important. J’vais m’en repaître de tous ces sentiments. Dans le coeur des autres, je vais chercher le mien. J’ai du le perdre, mais j’me souviens pas quand.

Chuis une fille tout ce qu’il y a de plus doux, sinon. La bonté même. Je l’invente pas. Quand on m’l’a dit, j’y croyais pas. Et humble avec ça. Ce sont des tas de tendres gênes qu’on a gravé dans ma chair. Merci maman, merci papa. Le problème dès le départ avec ce genre de peau-là, c’est qu’une goutte d’acide fait tout déborder. Un corps comme ça, ça vomit tout le temps, ça supporte pas, ça se crispe en un regard, ça se recroqueville dans son coin. Mais qu’est-ce que j’ai pu chougner, putain !

Fille douce, ta peau l’est plus encore. Viens-là et je te mords.

Une fois transformée en bouillie déjeuner, j’ai touillé. J’ai écumé tout ce que j’ai pu, tout le dicible, tout l’avouable. Rien que des mots, en somme. Y’a rien à béqueter dans une bête comme ça. J’ai tout versé dans l’assiette de mon voisin. Gratté le fond de la carcasse, rongé les os.

A la fin, il ne restait presque rien. Une grosse pelure de jalousie. Et de la possession en rognures.
Insupportable concurrence de toutes ces chattes qui jouent avec toutes ces queues.
J’ai tout mangé. J’ai tout vomi.
Hier, j’ai mangé du sentiment. Les plus cons que j’ai trouvés.
Alors je m’avale et me régurgite, comme ça, pour voir comment c’est bon de bouffer de la fille à la peau douce.

Mais aujourd’hui, comme j’suis bonne catholique, ou tout au moins baptisée, j’vais à confesse. Et j’ai envie de croquer ton ptit cul. Pardon, c’est pour la rime.
J’me cherche, c’est comme ça.
Une dure journée.
Ce soir, je regarderai Bambi à la télé. Je sais, c’est pas raisonnable, j’vais encore pleurer.

Basta

Je choisis la survie plutôt que la dépression, je me plonge dans le droit du travail, et j’organise mon dernier automne dans cette ville de merde, dans cette vie loin de tout et beaucoup trop loin de moi, de ce que je suis, de ce dont j’ai besoin maintenant, de mes soleils. Je m’en fais des noeuds dans le ventre tous les matins mais l’idée de la libération me donne enfin des ailes. Y’a plus qu’à apprendre à voler maintenant.

Cela faisait bien trop longtemps que mes mots n’étaient que des mots. Et que j’étais incapable de répondre à une question bête que je ne manque même pas de poser aux autres : « Etes-vous vivants ? ».
Dont acte.

Histoire de la main

Le premier doigt de la main, ce point d’exclamation
Il me montrait la direction du ciel
Et j’ai compris, j’ai bien compris qu’il me disait « fais attention !
Ton coeur n’est que partage, ton corps n’est que don. »

Un simple oui dans notre langage de signes
Je t’ai répondu en te prenant la main
Les silences sont autant d’émotions

Est venu le second doigt, et tous nos points d’interrogation.
Les unes après les autres, nous avons posé les questions,
les conditions, les peurs, les prises de positions.
La direction est claire et le sens n’a pas toujours raison.

Un simple oui de notre langage d’infirmes.
Je t’ai répondu en te prenant la main.
Mes silences sont autant d’abandons.

Pointé le troisième doigt, croqué le quatrième.
Montre-moi si tu aimes, je chuchoterai ton nom.
Le pouce en points de suspension, insistant, hésitant,
Trois ptits points enfoncés dans nos intimes convictions.

Des oui en braille dans notre langue animale.
On s’est répondu en se prenant la main.
Nos silences sont autant de respirations.

Le dernier mot de mon corps, posé sur tes reins.
Il te montrait la direction du ciel.
Ne t’inquiète pas, mes peurs se sont tues à merveille.
Et tu as compris, tu as bien compris le cri de mes mains.