… apprendre à dire « je t’aime » à mon papa.
J’aimerais apprendre à ne plus craindre ses colères.
J’aimerais apprendre à lui répondre autre chose que des silences et des fuites.
Aurais-je le courage de lui dire ce que je pense un jour. Le bon, comme le mauvais.
Lui parler, le regarder et l’affronter.
Avant qu’il ne soit trop tard.
Trop tard. Lorsque ma réponse ne pourra plus me laisser qu’un âpre goût de lâcheté sur la langue.
Sans qu’il puisse me gifler.
Sans qu’il puisse pleurer.
Sénile. Mourant. Ou dans sa tombe.
Où mon frère a t’il trouvé la force ?
La force de la haine. De l’affrontement. De la colère qui explose.
Cette force que je lui envie tant, cette force que je n’ai pas.
La seule force chez lui qui m’empêchait de totalement le mépriser.
A l’imparfait. « empêchait ».
Parce que j’ai fini par comprendre.
Par pardonner.
A force de le détester sans savoir vraiment pourquoi.
On nous a tellement bien appris à ne pas dire.
Et je lutte pour apprendre à parler.
J’ai l’espoir qu’un jour, je saurai communiquer sans me retrouver emmurée dans mes silences.
Apprendre à dire « je t’aime ».
Ca se passe en même temps qu’on apprend à dire « je te hais », je crois.
Et devant la glace, ça marche pas.
Au fait. J’ai détruit mon part-choc contre la cuisse d’un chien.
Je ne sais pas si je l’ai tué.
Je ne l’ai pas retrouvé.
Peut-être est-il allé mourir plus loin.
Et si je vous dis ça là, c’est parce que c’est le seul moyen que j’ai trouvé pour me flageller.
Et que j’ai pas le courage de le dire à mon papa.
Parce qu’il me le pardonnerait pas.
Et là,
J’ai l’impression de ne jamais avoir eu plus de 7 ans.
Faudrait que je cherche dans l’annuaire, si ça existe les Renverseurs d’Animaux de Compagnie Anonymes.
Comme pour les Alcooliques.
Sauf qu’on a boit pas forcément.
Mais qu’on renverse parfois des chiens.
7 ans.
Misérable.
Honteuse.
Et emmurée, entre deux plaques de verre.
Un miroir inutile. Et un écran stérile.
Moi aussi j’ai l’impression de ne pas avoir dépassé l’âge de 7 ans avec mon père… je n’arrive à lui dire ni que je l’aime, ni que je le déteste.
ton frère a eu une prise de conscience
attends la tienne
elle viendra c’est sûr…