Ma question, s’il y en a.

Mais comme je les masque
comme je les merveille
Et qu’il me manque un bout,
ou bien j’en rajoute de trop.

Y’a pas besoin de cacher
puisque tout sait se montrer
Pas besoin de chercher
puisque tout finira par trouver
Sa place, et la mienne.

Âme heureuse de veiller
Sur la perle bleu- gris
qui s’endort et sourit.

J’voudrais écrire un bout de toi
Dans ces moments-là
Où tu t’en vas dans ton sommeil.
J’voudrais écrire un bout de toi,
Mais j’ose pas.
Les mots permettent de donner forme,
de donner vie à autre chose.

A quoi ça me servirait, dis-moi…
Qu’on m’explique comment les bouts de toi
pourraient être plus beaux sur un bout de papier,
qu’à s’endormir sur un oreiller.
C’est déjà tellement vrai, comme ça,
couché en point d’interrogation.

Regarder

Je ne rêve plus la nuit,
Pour que dure la réalité des jours.
Celle qui vient se blotir dans mes bras comme un grand enfant endormi.
Mais celle, aussi, qui vient frapper ma joue. Ma mémoire. Mes yeux ou mon orgueil.
La réalité est Une, entière, indivisible
et violente de tout l’amour qui la rend si ennivrante,
de toute la peur qui la rend si écrasante.
La réalité est Vie, Mort et instants fugaces de consciences en quête d’un bonheur à jamais fugitif.
Elle est Temps, elle est Espace, paramètres qui nous dépassent à jamais.

Elle est grande, si grande…
Et nos rêves si petits.

Quand on choisit d’ouvrir les yeux,
Quand on choisit de regarder,
C’est pour le pire et le meilleur.
Pour nos petits rêves et nos grandes réalités.

Aussi infimes soient-ils,
Je ne dors plus mes rêves la nuit,
Dans l’espoir un peu naïf, un peu fou,
de les bâtir en plein jour,
ou en pleine nuit.

Je ne pense plus les peurs, je panse les envies.
Je me berce à la dopamine,
De mon cerveau un peu naïf, un peu brisé,
Qui se berce et qui s’imagine,
Comme ça, en pleine vie,
Pouvoir donner rêve à sa réalité.

Et j’en profite pour aller dormir,
Aller rêver de réalité…
Parce que, pour une fois, ma réalité me donne envie de rêver.

Que la lumière choît !

Il y avait ce noir sur fond gris. Ce blanc sur fond noir. Ces formes imprécises qui se mouvaient en silence dans le ciel chaotique. Un arc-en-ciel fatigué, délavé, laissait pendre son fantôme pâle d’un nuage effiloché, essayant en vain de survivre en touchant sol.

Il y avait des falaises au-dessus de ma tête. Des strates de roches millénaires serrées les unes contre les autres qui ondulaient au gré des forces invisibles. Des colères incertaines formaient des yeux tourbillonant au coeur de ces verticalités subjectives.
Des îles se perdaient au loin, découpées dans les jaunes et les mauves de ce coucher de soleil vexé. Sur ces îles, des montagnes, des forêts… Des chenilles gigantesques laissaient perler leur salive sur la terre pour offrir à la lueur déclinante un rideau de discretion derrière lequel s’endormir paisiblement.

Une lettre dans le ciel. Des traits horizontaux. Des rayures, des zébrures et des spasmes de lumière. Coup d’éclat ! Vacarmes et secousses qui font cligner les yeux et sourire… Parle-moi, je t’assure, je n’ai pas peur… Que veux-tu que je regarde ? La lumière de tes éclairs ? Ou bien le noir qui vient envahir le gris autour ? Que cherches-tu à me dire… Parle, je t’en prie. Encore…

La première goutte d’eau tombe sur mon épaule. Coule. Tu n’as pas envie de parler ? Bien. Tant pis… Coulons alors.

[Comment ça le subjonctif présent de « choir » n’existe pas ? Mais on attend quoi pour tout inventer ?]

Il est où le cucul ? Elle est où la tétête ?

Tu me recroques. Je te ville.
Et ça finit en boule.

Pour ne pas. Pour ne plus. Pour refaire. Pour défaire.
Parce que les jours, parce que les nuits.
Puisqu’on en finit.

ça tourne, ça retourne, je contourne et tinue.
On se cache dans des timbres et des posts
La lumière cafarde et les nuages pleurent.

ça pique partout.
Il ya bien des nerfs ici.
J’ai beau m’aiguiser en les déguisant,
La suite attend.

On attend quoi, on attend qui.
Personne ne sait.
Mais en attendant, ça blesse où ça bat.

Tinue. Tinue.
Ferme les yeux, me planque au fond du creux.
Personne ne réalise.
Qu’à cela ne tienne.
Faites de beaux voeux quand même !

Me roule et m’écroule.
Tout finit en boule.

A mon grand-père.

Il était assis au bord de la route et il attendait.

Il attendait peut-être qu’on vienne le chercher. Ses jambes, usées par l’âge comme le reste de son corps, l’avaient porté jusqu’à ce petit muret. De là, au bord de la route nationale, il pouvait surveiller de ses petits yeux gris tout emplis du vide de sa mémoire les vaches éternelles qui paissaient, libres et sereines, immuablement blanches et noires, dans la prairie toujours verte.
Il ne pouvait pas les abandonner, c’était son travail de veiller sur elles.
Ce soir, il faudrait qu’il trouve le courage et surtout la force de franchir la barrière encore une fois, il faudrait les traire et peut-être, encore une fois, goûter ce bon lait tiède dont il parvenait encore parfois à sentir l’arôme si apaisant contre son palais, ce rare souvenir qui lui rappelait qu’aujourd’hui était un temps qu’il n’aimait pas.

Aujourd’hui, il y avait ces dames en blanc qui essayaient toujours de lui faire avaler des trucs insipides, bouillies de viande et légumes en purée. Ces femmes qui lui faisaient sa toilette, jusque dans les recoins de son intimité. A son âge. Il préférait oublier aujourd’hui, ses odeurs muscées étouffantes de parfum bon marché , et jeter un voile pudique sur cette humiliation que tout son environnement, et même son vieux corps, s’acharnaient à lui imposer.
Cette nuit, les dames en blanc endormies, la pleine lune l’avait convié à cette petite partie de campagne auprès des demoiselles vaches. Oh, il se concentrait sur son métier, car les amours de jeunesse, les petites soirées égayées par le sourire d’une jeune femme en robe de printemps, il savait bien que ce n’était plus vraiment permis. A son âge.

Hier, ou peut-être avant, ou peut-être chaque jour, une vieille femme était venue lui rendre visite, dans sa petite chambre blanche, avec vue sur des champs remplis de fleurs sans jamais aucune vache pour venir y brouter. Ces champs inutiles. Cette vieille femme ridée qui lui faisait penser à une jeune fille en blouse d’été. Elle pleurait souvent. Sans jamais qu’il ne puisse comprendre vraiment pourquoi. Enfin si… Parfois il se rapellait. Mais se rappeler et laisser la lucidité se faire une place dans sa tête, c’était toujours comme un couteau enfoncé dans son coeur. Alors il fermait les yeux et il attendait que les vaches et les prairies inondées de fraîcheur viennent à nouveau danser contre ses paupières.

Un jour, c’était peut-être hier, c’était peut-être chaque semaine, un homme aux yeux vert et gris qui se disait son fils était venu avec une femme et trois gentils petits enfants. Tout le monde avait l’air triste. Cette visite n’avait rien de bien marrant. Mais ces gens étaient quand même bien sympathiques, ils avaient apporté avec eux un grand sachet de biscuits. Ah ! Les biscuits sablés qui fondent tout seuls sur la langue. A croire que cette vieille bouche avait décidé de tout oublier mis à part ces petites douceurs sucrées. Il en avait mis quelques uns dans sa poche avant de sortir du grand bâtiment morne où vivent les dames en blanc. Il aurait bien aimé pouvoir les tremper dans le lait tout chaud, là, car il avait dû oublier ses dents lors de sa petite sortie champêtre.

Il commençait à avoir faim, il commençait à avoir froid et ses jambes fatiguées semblaient s’obstiner à ne plus le porter.
Tous ces gens du présent, ces gens du passé. Il ne savait plus vraiment ce qu’il avait oublié ni ce qui lui revenait. Les repères étaient bien loin à présent et le calendrier sans valeur.
Il voulait juste écouter le silence et, enfin, retrouver sa dignité, debout, fier et fort. Il voulait, dans son dernier face à face avec les Cieux, leur prouver à tous, et même à Dieu, quel homme courageux il avait été. Deux guerres ne l’avaient pas tué. Il saurait leur montrer.
Alors, il est resté là. Assis au bord de la route, sur son petit muret.
Il attendait qu’on vienne le chercher.

Flic flac

Viens !
C’est pas si difficile que ça tu sais. Non ? Tu sais pas ? T’as raison moi non plus j’en sais rien. Mais qu’importe. Si on sautait à pieds joints ?
Tu me prends la main et ça ira bien. On se regarde on se plaît on s’y complaît on en revient. Un peu toujours la même fin. Elles sont donc toutes de la même pluie toutes ces flaques d’eau ?

C’est tellement petit une flaque d’eau, on n’y voit que la tâche boueuse qu’elle ne manquera pas de nous offrir. On n’en veut pas trop de son foutu cadeau. On veut la piscine d’eau saine, on veut le lac, la mer et l’océan. Et pourtant…

Dans cette flaque, y’a nos pieds. Dans cette flaque, y’a nos yeux qui se marrent, nos rires qui s’étalent, nos jeux qui s’éclaboussent. Dans cette flaque, c’est notre eau à nous. Elles sont toutes de la même pluie toutes ces flaques d’eau.

Seulement celle-ci, elle nous observe en riant et nous innonde de toutes ses gouttes, de tous ses bons, ses mauvais moments. Elle nous rappelle, goguenarde, que les pieds au sec, le coeur au chaud et le visage heureux, on peut se permettre de prendre son temps. Et qu’importe la tempête qui nous attend.

Les escales liées

Petites colères improvisées malheureusement devenues trop prévisibles. C’est comme ça. Tout ne peut jamais bien aller. Rien ne peut toujours vous plaire. Et tout peut très bien aller vers le pire.
Ainsi va la vie. C’est la vie. C’est comme ça. Que veux-tu. Rien à faire.
Je fais trois pas dans une direction bien précise. Je me dis que non. Alors je fais trois pas dans la direction inverse. Les pieds toujours décidés. Les idées, non. Je me dis que finalement oui. Demi-tour, c’est reparti. Et ainsi de suite. L’indécision dure et se compose d’une suite inutile de prises de position fermes et définitives aussitôt remises en question. Et ça dure. Et ça continue. Et je m’aperçois que je fais les cent pas sur place. Championne du retourné d’envie, d’humeur. Plus blonde et dorée qu’une crêpe au beurre. Athlète de la course sur place. Chaussettes aux pieds et Rayban sur le nez.
Je me vois effectuer mon petit sport de prédilection, mes compet’ de n’importe quoi. Je m’observe et me désole. Non. Pire. Je m’agaçe et m’énerve contre cette energie inutilement dépensée.
Ainsi, je peux descendre et remonter un escalier trois fois de suite, le temps que je sache vraiment quelle décision ma tête va finalement prendre, pendant que mes pieds vont et viennent au rythme de mes arguments pour, de mes hypothèses contre. Sport de lutte, de stratégie, d’endurance.
C’est fatigant d’être moi. Surtout pour les nerfs.
Y’a un truc que je sais en tout cas. C’est que je ne pourrais jamais supporter de vivre avec moi. Je veux dire, si j’étais deux. Si nous deux, on était amoureux. Jamais on ne pourrait y arriver.
Les petits trucs qui agaçent et qui rongent, les petits trucs qui finissent par vous achever.
Il y a des jours où ça fait rire. Des jours où l’on s’accepte, on s’aime bien, on se regarde dans un miroir et on sourit bêtement. Allez, ça passe pour cette fois, va.
Il y a des jours où l’on s’arrête entre les deux marches de l’escalier, excédée de ces abus d’indécisions, de ces prises de positions instables, de ces élans du coeur et de l’âme que l’on regrette aussitôt. Les pieds en suspens. La tête finalement vide d’être tellement remplie de tous ces riens. On reste là et on se dit que finalement peut-être, malgré tout, on devrait songer à s’assoir sur la marche juste deux secondes pour réfléchir un peu. C’est alors que vos pieds vous disent qu’ils ont besoin d’avancer.
Et alors, merde à la fin quoi c’est pas possible d’être aussi chiante.
Je jette un coup d’oeil sur la porte qui semble être sortie tout droit de mon imagination en colère. La tangeante me tend les bras, mes pieds ne peuvent résister et mon cerveau est bien content de pouvoir fuir, encore.